
Après dix ans à la tête du Groupe Bois, Michel Ducommun a pris la présidence de la Fédération vaudoise des entrepreneurs le 5 septembre 2024, succédant ainsi à Jean-Marc Demierre. Entre les défis de sa nouvelle fonction et le déménagement imminent de son entreprise familiale Ducommun Menuiserie SA, après 75 ans en plein cœur de Lausanne, les journées se suivent et ne se ressemblent pas.
Retour avec un entrepreneur passionné, qui maîtrise autant la gestion du stress que l’art de la punchline, après ses «100 premiers jours» de présidence.
Monsieur Ducommun, comment allez-vous aujourd’hui?
C’est l’intensité maximale ! D’ailleurs, on ne devrait pas parler « des 100 jours » de présidence, mais « des 300 », mes journées comptent triples. En tant que milicien, je ne travaille pas à 100% à la FVE, je dois aussi gérer les changements au sein de ma propre entreprise. Je vous laisse imaginer l’effervescence, entre ma prise de présidence, le chantier de construction et le déménagement imminent. Tout arrive en même temps.
Et comment vivez-vous cette «intensité maximale»?
Je m’appuie beaucoup sur mon équipe, et quand je parle d’équipe, j’inclus les collaboratrices et les collaborateurs de la fédération, mais aussi ma famille. Pour avancer, j’ai besoin de toutes ces petites mains qui accomplissent de grandes choses. Je me réserve aussi des moments rien qu’à moi. C’est essentiel : on ne peut pas prendre de décisions justes et réfléchies en étant constamment sous pression.
Après trois mois à la présidence, quels sont vos premières impressions, et quels sont les enjeux liés au domaine de la construction que vous avez identifiés?
Je m’attendais à un bout, mais pas à tout. J’ai tout de suite été plongé dans le feu, avec des séances avec le Canton de Vaud, notamment et par exemple avec les services de Mme Isabelle Moret et M. Vassilis Venizelos. En effet, la réforme de la Loi cantonale sur l’énergie, bien que nécessaire, soulève des enjeux cruciaux pour notre secteur, notamment celui de la pénurie de main-d’œuvre. Cette révision apporte du boulot pour nos entreprises, mais pour être prêt il faut anticiper et marcher main dans la main avec les politiques, parce que des bras, il va nous en falloir ! La formation continue sera donc sollicitée. Par exemple, en collaboration avec l’EVAM, nous avons développé des cursus dédiés aux migrants. Pour la formation initiale, il faut donner envie aux jeunes – et à leurs parents ! – de rejoindre nos métiers. L’image poussiéreuse qui colle au secteur doit évoluer. Nous devons créer une narration positive, montrer les bons épisodes Netflix et pas ceux que les jeunes s’imaginent, remplis de clichés sur la pénibilité. Les pratiques et les outils ont évolué, et les patrons comprennent que le bien-être au travail est un levier d’investissement pour les équipes.
Motiver les jeunes à choisir un métier de la construction est un sujet très présent au sein de la FVE depuis plusieurs années. Pourtant, les résultats peinent à suivre. Comment changer réellement la donne?
Alors je vais être plus clair : mon vœu pieu, en tant que président, est de rassembler la Romandie autour d’un véritable projet de promotion des métiers de la construction. J’aimerais qu’on élabore ensemble une stratégie de communication ambitieuse, avec des campagnes percutantes à la télévision ou sur les réseaux sociaux, comme le font les grandes entreprises pour vendre leurs produits. Après tout, l’apprentissage est aussi un produit qu’il faut valoriser. Le Graal serait également d’accueillir sur le site de Tolochenaz un « village de la construction », pour pouvoir tisser des fils entre les gens. Faire des petites boîtes d’allumettes partout, ce n’est pas bon ; il faut faire un grand feu de joie avec tout ça.
Depuis votre prise de présidence, y a-t-il un moment ou une décision qui vous a particulièrement marqué?
(Longue hésitation) J’ai pris conscience du poids de ma signature. Je valide des décisions prises au Comité directeur, qui peuvent entraîner des répercussions durant des années pour des milliers d’employés. C’est en siégeant à la tête de la Caisse de retraite, où vous êtes entourés de spécialistes, que j’ai pris la pleine mesure de cette responsabilité. Les échanges, souvent intenses, m’ont confirmé qu’il est crucial d’avoir un Comité directeur solide et d’avancer en équipe, et cela inclut les partenaires sociaux.
Vous étiez président du Groupe Bois durant dix ans. Avec votre nouvelle fonction, vous avez désormais une vision globale des métiers de la construction. Qu’avez-vous appris de cette perception élargie?
J’ai vu que d’une manière générale, la construction est mal traitée et que pour trouver les solutions et réaliser les travaux, il faut se mettre ensemble. Dans le gros œuvre, les consortiums sont par exemple fréquents, alors que dans le second œuvre, cela ne se fait pas. Pourquoi certaines approches sont naturelles chez les uns, et pas chez les autres ? J’aimerais vraiment que l’on échange davantage entre les différents secteurs d’activité et j’ai demandé qu’on tape un peu plus sur le clou à ce niveau-là.
Concrètement, comment envisagez-vous de rapprocher le gros œuvre et le second œuvre?
En privilégiant la rencontre et le travail d’équipe. J’ai notamment proposé que les séances du Comité directeur ne soient pas exclusivement organisées sur le site de Tolochenaz, mais qu’à deux ou trois reprises dans l’année, nous nous rendions dans les différentes régions et sections, chez un entrepreneur. Le président du gros œuvre pourrait également inviter les présidents du second œuvre de sa région. L’idée est de se mettre en lien et de s’intéresser concrètement aux autres métiers. C’est un début, mais si je ne mets pas cette dynamique en place, j’aurais loupé quelque chose.
Le directeur général et le président forment le couple fort de la FVE. Comment décririez-vous le binôme que vous formez avec M. Pittet?
J’ai eu la chance d’être dans la commission de recrutement de M. Pittet. J’ai alors eu cette perspective en amont et, dès nos premiers échanges, j’ai senti que notre collaboration pouvait fonctionner. Aujourd’hui, on continue à s’apprivoiser, chacun assume ses tâches et nous sommes très complémentaires. La communication entre nous est fluide, ouverte et ensemble nous trouvons des solutions, tout en nous engageant à préserver la sérénité et le plaisir de venir travailler.
Nous démarrons à peine l’année 2025 : que peut-on souhaiter au nouveau président pour les 365 jours à venir?
De voir plein d’apprentis ! J’ai vraiment envie que cette jeunesse s’engage, qu’elle découvre nos métiers et devienne les repreneurs des success stories de demain.
Pour finir, avez-vous une citation ou un leitmotiv qui vous guide?
Je faisais du vélo avant, et il m’a appris à gérer le stress et l’effort. Quand vous êtes au bas du col, vous avez deux choix : soit vous vous dites « je n’y arriverai pas », soit vous vous demandez «comment vais-je m’y prendre pour y arriver ?». La première option n’existe pas pour moi. Ce n’est pas l’état d’esprit d’un entrepreneur : si vous commencez à douter, alors vous avez déjà perdu.