
Quelques éléments saillants du nouveau droit des marchés publics
Un nouveau paradigme axé sur la concurrence, plus uniquement sur le prix
Le 1er janvier 2021 est entré en vigueur en Suisse l’Accord international sur les marchés publics (AMP) dans sa version révisée de 2012. Cet accord a été transposé en droit national par le biais de la révision totale de la Loi fédérale sur les marchés publics (LMP) et de l’Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP). La LMP, qui règlemente les marchés fédéraux lancés par la Confédération et les entreprises qui en dépendent (par exemple les CFF), est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 déjà. L’AIMP, qui régit quant à lui les marchés publics cantonaux et communaux, a fait l’objet d’une entrée en force canton par canton, au 1er janvier 2023 en ce qui concerne le canton de Vaud.
Le droit des marchés publics a subi une importante refonte et a été harmonisé entre la Confédération et les cantons. De façon générale, le changement ainsi implémenté a eu pour vocation de remplacer un système dans lequel l’adjudication d’un marché se faisait trop souvent à l’offre économiquement la plus avantageuse, où le critère du prix était déterminant, par un nouveau paradigme dans lequel le marché doit être attribué à l’offre la plus avantageuse, sans que le paramètre économique n’y soit prédominant. Concrètement, cette nouvelle constellation renforce le poids de critères de qualité trop longtemps éludés au profit du seul prix de l’offre. Le système postule désormais une utilisation durable des deniers publics fondées sur les 3 piliers de la société, de l’écologie et l’économie, et consacre l’apparition de nouveaux critères d’adjudication, tels que celui de la fiabilité du prix – et donc de la plausibilité de l’offre soumise – mais également celui du caractère innovant de l’offre soumise, qui témoignent du changement en profondeur que le législateur fédérale et cantonal a voulu insuffler dans la culture de l’adjudication des marchés publics. Le marché n’a plus pour objectif prioritaire d’assurer l’acquisition au meilleur prix pour les pouvoir publics, mais de promouvoir la concurrence basée sur la qualité. La durabilité revêt une importance particulière à cet égard, dans la mesure où elle est désormais au cœur de la mise en œuvre des adjudications de marchés publics.
2. L’impact du nouveau cadre légal sur la pondération du prix
Il sied de rappeler ici que le critère du prix peut être principalement conditionné par la pondération que l’appel d’offres lui réserve et par la méthode de notation qu’il retient. Ainsi :
- Plus le marché mis en concurrence est complexe et plus le critère du prix perd de son importance relative par rapport aux autres critères d’adjudication.
- Le choix de la méthode de notation a aussi son importance car les écarts de prix entre les soumissionnaires peuvent avoir une influence plus ou moins importante selon la manière dont l’autorité adjudicatrice a préconisé d’effectuer le calcul de la note finale des soumissionnaires. Que l’adjudicateur choisisse une formule linéaire (note proportionnelle au prix) ou asymptotique (écart de note plus faible entre les soumissionnaires), il convient d’éviter que la méthode choisie diminue le poids du critère prix et soit donc inadaptée.
Malgré le fait que le prix n’ait plus vocation, dans le nouveau paradigme du droit des marchés publics, à constituer le critère principal d’adjudication, il reste indispensable de vérifier sa cohérence. L’adjudicateur doit s’assurer que les conditions de participation sont remplies et que les exigences de l’appel d’offres ont été comprises. Le «dumping», pratique qui se résume à appliquer un prix inférieur au prix du marché, n’est toutefois pas interdit à partir du moment où le soumissionnaire peut délivrer matériellement la prestation tout en respectant la loi, en particulier le droit du travail, et que sa solvabilité ne soit pas mise en péril par le prix agressif qu’il est susceptible de proposer.
3. La durabilité dans le nouveau droit des marchés publics
La durabilité a valeur d’une véritable ligne directrice formellement prévue dans la loi, qui peut s’exprimer dans les critères d’adjudication, dans les spécifications techniques, comme une condition contraignante de participation au marché ou même comme un critère d’aptitudes. Dans le nouveau droit des marchés publics, la notion de durabilité est envisagée dans ses trois dimensions classiques : la dimension économique, écologique et sociale de la durabilité.
La dimension économique de la durabilité n’implique plus que la prestation au prix le plus avantageux soit privilégiée, mais repose désormais sur une notion d’économicité, qui tient compte, outre du prix de la prestation, des coûts d’exploitation, des frais de gestion, de maintenance, de remis en état et d’administration. En outre, et surtout, la qualité des prestations doit également être prise en considération par l’adjudicateur.
La dimension écologique renvoie à la notion de compatibilité environnementale du projet du soumissionnaire, lequel doit reposer sur une approche qui préserve et rationnalise l’utilisation des ressources. Les critères de la consommation d’eau et d’énergie, la pollution de l’environnement, l’impact sur la biodiversité entrent en ligne de compte dans l’appréciation qu’il y a lieu de faire de l’offre.
La dimension sociale soutient la prise en compte d’aspects sociaux et sociétaux, tels que les conditions de travail dans la production de la prestation, l’utilisation de produits issus du commerce équitable, le cas échéant en s’appuyant sur des systèmes de certification reconnus.
4. La durabilité dans les marchés publics du secteur de la construction
La durabilité dans la construction a pour vocation de soutenir une économie fondée sur des modes de production et de consommation tournés vers l’avenir et préservant les ressources. Ce faisant elle tient compte du caractère limité des ressources naturelles et tient compte de la capacité de régénération des ressources renouvelables. En cela elle soutient le modèle de l’économie circulaire, en promouvant une utilisation efficace des matière premières et une durée de vie aussi longue que possible du bâti, en respectant un cycle où la réutilisation des matières premières et des produits est permanente.
L’économie circulaire joue un rôle croissant dans le secteur de la construction, et que le nouveau droit des marchés publics vient encore renforcer. Cela étant rappelé, la durabilité ne saurait se limiter à une question de critère à l’aune de laquelle un soumissionnaire peut espérer maximiser ses chances de décrocher un marché. Pour qu’elle atteigne l’objectif global qu’elle poursuit, il est nécessaire que la durabilité soit envisagée dès la définition du processus de planification et d’exécution du projet par le maître d’ouvrage. Elle doit ensuite nimber l’ensemble du processus de planification, de réalisation et d’exploitation du projet, et être présente dans la construction, l’utilisation et la réutilisation future de l’objet à construire.
Dans le cadre de la définition du projet, il sied d’immédiatement positionner l’objet du marché concerné en prescrivant par exemple l’obligation d’utiliser des matériaux recyclés ou de n’utiliser que des véhicules de transports à faibles émissions.
Dans la définition des critères d’aptitudes, soit ceux qui permettent d’identifier les qualités que doivent présenter les partenaires avec lesquels on entend collaborer ultérieurement pour réaliser le projet, on peut par exemple exiger que lesdits partenaires présentent des aptitudes particulières ou une expérience suffisante pour assumer un projet durable, ou alors qu’ils soient titulaires d’un label reconnu en la matière.
Enfin dans la définition des critères d’adjudication, l’adjudicataire peut donner plus de poids à la durabilité dans ses critères d’adjudication, ce qui doit permettre à des soumissionnaires qui peuvent soutenir le ou les critères d’adjudication durables d’en compenser d’autres sur lesquels ils seraient par hypothèses moins concurrentiels.
5. Conclusion
De nouveaux critères d’adjudication existent désormais dans la loi. C’est à l’épreuve de la pratique que l’on pourra déterminer s’ils sont correctement appliqués par les autorités adjudicatrices, et dans quelle mesure ils pourront pondérer le poids considérable qui a trop souvent été réservé au seul prix de l’offre. Certes on observera qu’il appartiendra aux tribunaux de développer une jurisprudence en intervenant, comme garde-fou judiciaire, pour sanctionner des situations où les critères d’adjudication nouveaux que le législateur a souhaité intégrer dans la loi ne sont pas appréciés à leur juste valeur.
Un tel processus est toutefois long, et parfois aléatoire dans son résultat. Il est indispensable que la mise en œuvre de ces critères intègre déjà la culture de l’adjudication. En ce sens, adjudicateurs et soumissionnaires doivent être sensibilisés aux enjeux de la durabilité dans la construction, non seulement parce que ceux-ci figurent désormais au cœur des dispositifs légaux des marchés publics, mais également parce qu’ils portent des enjeux qui transforment l’acte de bâtir en lui-même.
Les rappels par la jurisprudence
Nous proposons également un nouveau choix de décisions rendues par notre Haute Cour, offrant des éclairages précieux à l’entrepreneur dans les domaines des marchés publics, du contrat d’entreprise et du droit du travail.
Nous vous souhaitons une bonne lecture.
Mes projets
Marchés publics
Validité d’un contrat conclu prématurément – Protection juridique primaire et secondaire – Dommages-intérêts
Art. 42, 58 AIMP, 20 CO
Le 4 août 2023, un adjudicateur informe un soumissionnaire qu’il est exclu de la procédure pour non-respect du délai de remise des offres. Le même jour, il fait savoir à ce soumissionnaire que le marché est adjugé à un autre participant. Le 4 septembre 2023, le soumissionnaire exclu recourt auprès du Tribunal cantonal. Il requiert l’effet suspensif. Le 8 septembre 2023, le Président du Tribunal cantonal accorde l’effet suspensif au recours et fait interdiction à l’adjudicateur de conclure tout contrat avec le soumissionnaire retenu. Le 5 septembre 2023, le contrat est néanmoins conclu. Le Tribunal cantonal admet le recours du soumissionnaire exclu considérant que son offre a été déposée dans les délais. Il admet également le recours pour violation de l’article 42 AIMP qui prévoit que le contrat ne peut être conclu avec le soumissionnaire retenu qu’après l’écoulement du délai de recours contre l’adjudication, à moins que l’autorité de recours n’ait accepté l’effet suspensif à un recours formé contre l’adjudication. La Cour cantonale estime toutefois qu’elle est limitée à la constatation du caractère illicite de la décision d’exclusion et à l’octroi d’éventuels dommages-intérêts. Elle ne se prononce donc pas sur le contrat conclu illégalement.
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral est ainsi amené à statuer sur le sort qui doit être réservé à un contrat passé avec un soumissionnaire avant que la décision d’adjudication, contestée avec succès par un autre soumissionnaire éconduit, ne se soit écoulé, ainsi que sur l’étendue de la protection qu’il convient d’apporter au soumissionnaire évincé.
Validité d’un contrat conclu prématurément
Selon l’art. 42 AIMP, le contrat peut être conclu avec le soumissionnaire retenu après l’écoulement du délai de recours contre la décision d’adjudication, à moins que l’effet suspensif n’ait été accordé à un recours formé contre l’adjudication. Un délai d’attente de quelques jours est ainsi nécessaire pour savoir si un recours a été déposé et si celui-ci a un effet suspensif. En l’espèce, la conclusion du contrat le matin du premier jour suivant l’expiration du délai de recours, constitue une violation manifeste de l’art. 42 al. 1 AIMP.
La conclusion prématurée du contrat ne constitue en principe pas un cas de nullité, laquelle ne peut toutefois être exclue, notamment en présence d’un comportement relevant du droit pénal. De même, la conclusion prématurée du contrat ne remet pas systématiquement en cause sa validité. Un contrat déjà exécuté ne peut pratiquement plus être contesté.
Etendue de la protection à accorder au soumissionnaire évincé
Dans cette affaire, il était arbitraire de ne prendre en considération qu’une éventuelle protection secondaire, c’est-à-dire limitée au constat d’illégalité et à d’éventuels dommages-intérêts. L’affaire est renvoyée à l’instance précédente pour qu’elle examine si une protection primaire est possible, c’est à dire de faire constater le cas échéant que le contrat ainsi conclu est nul ou annulable. L’appréciation de cette question par l’autorité cantonale à laquelle le dossier est renvoyé dépendra en grande partie du fait que le contrat a déjà été entièrement exécuté et, dans le cas contraire, de celle de savoir s’il peut être divisé en différentes étapes.
Dommages-intérêts en cas de contrat conclu prématurément
Le droit à des dommages-intérêts en cas de contrat conclu prématurément n’est en principe pas limité aux dépenses nécessaires engagées par le soumissionnaire dans le cadre de la préparation et de la soumission de son offre. Dans les cas où, outre une décision erronée, l’adjudicateur a commis un acte illicite et dommageable, des dommages-intérêts peuvent être réclamés conformément au droit applicable en matière de responsabilité (TF 2D_14/2024 du 19 mai 2025).
Mes affaires
Contrat d’entreprise
Architecte – Prix forfaitaire – Modification de commande – Quittance pour solde de tout compte
Art. 373 CO
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a l’occasion de préciser les principes qui gouverne l’impact d’une modification de commande sur un contrat d’entreprise convenu à prix forfaitaire.
Selon l’art. 373 al.1 CO, lorsque le prix a été fixé à forfait, l’entrepreneur est tenu d’exécuter l’ouvrage pour la somme fixée, et il ne peut réclamer aucune augmentation, même si l’ouvrage a exigé plus de travail ou de dépenses que ce qui avait été prévu.
Une exception peut intervenir en cas de modification de commande. Celle-ci donne droit à une augmentation du prix en cas de prestations supplémentaires de l’entrepreneur, rémunération qui se calcule, sauf convention contraire, sur la base de l’article 374 CO, c’est-à-dire en fonction de la valeur des matériaux utilisés et du travail effectué. L’entrepreneur supporte le fardeau de la preuve de la modification de commande et des frais supplémentaires en résultant.
Dans un cas où le montant des honoraires forfaitaires avait été convenu directement en fonction du coût du projet, une modification de commande permet de s’écarter du prix forfaitaire. Cela est notamment le cas lorsque l’accroissement des coûts notable n’était pas prévu dans l’estimatif des coûts du projet initial annexé au contrat, sur lequel les parties s’étaient basées pour arrêter les honoraires forfaitaires de l’entrepreneur.
Une quittance pour solde de tout compte contenue dans une note d’honoraires de l’entrepreneur établie pour le montant du prix forfaitaire ne concerne que la partie initiale du contrat, c’est-à-dire sans la modification de commande intervenue depuis lors. Il n’est pas possible d’invoquer cet élément pour soutenir que le prix forfaitaire a été confirmé et quittancé, compte tenu de la modification de commande qui intervient ultérieurement (TF 4A_420/2024 du 11 février 2025).
Contrat de vente
Vente immobilière – Avis des défauts – Dol – Vice caché – Garantie pour les défauts
Art. 187, 199, 201, 203, 221 CO
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral statue sur le cas d’une vente immobilière d’une parcelle, qui comporte un défaut, lié à l’érosion d’une paroi rocheuse qui occasionne des éboulements de rochers sur la parcelle vendue, circonstance dont l’acheteur soutient qu’elles lui ont été dissimulée par les vendeurs, soutenant notamment que l’exclusion de garantie que comportait le contrat de vente ne saurait lui être opposée.
En matière de vente immobilière, un défaut peut résulter d’une cause naturelle. Cela est notamment le cas d’une parcelle vendue exposée à l’érosion d’une paroi rocheuse sise sur cette même parcelle et de laquelle s’étaient détachés, antérieurement à la vente déjà, de gros cailloux et blocs de pierre.
Conformément à l’art. 199 CO, une clause contractuelle supprimant ou restreignant la garantie pour les défauts est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur les défauts de la chose. Le fardeau de la preuve de la dissimulation frauduleuse incombe à l’acheteur. Le vendeur doit avoir une connaissance effective du défaut, l’ignorance due à une négligence même grave ne suffisant pas. La connaissance ne doit pas nécessairement être complète ni porter sur tous les détails ; il suffit que le vendeur soit suffisamment orienté sur la cause à l’origine du défaut. La dissimulation doit être intentionnelle ; le dol éventuel suffit.
Lorsque plusieurs témoignages de voisins attestent de la régularité des éboulements et de la nécessité d’évacuer les gravats et qu’il est établi que le beau-fils des vendeurs a également dû se charger d’évacuer un gros morceau de rocher effondré, il y a lieu de considérer que les vendeurs avaient connaissance de l’érosion de la paroi rocheuse et des fréquents éboulements de blocs de pierre provoqués par celle-ci susceptibles de menacer les occupants de la parcelle vendue. Partant, les vendeurs auraient dû en aviser l’acheteur. Faute de l’avoir fait, les vendeurs ont frauduleusement dissimulé à l’acheteur les défauts de la chose, de sorte que la clause d’exclusion de garantie n’était pas valable.
Le Tribunal fédéral précise enfin que, lorsque le vendeur agit par dol, il ne peut se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts (TF 4A_461/2024 du 16 janvier 2025).
Mes collaborateurs
Droit du travail
Abandon d’emploi –Congé immédiat– Absence pour raison de santé
Art. 337c, 337d CO
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral statue sur un recours portant sur la notion d’abandon d’emploi. Il rappelle qu’il y a abandon d’emploi selon l’art. 337d CO lorsque le travailleur quitte son poste abruptement sans justes motifs. L’application de cette disposition présuppose un refus conscient, intentionnel et définitif du travailleur d’entrer en service ou de poursuivre l’exécution du travail confié.
Lorsque l’abandon d’emploi ne résulte pas d’une déclaration expresse du salarié, il faut examiner s’il découle du comportement adopté par l’intéressé, c’est-à-dire d’actes concluants : on se demandera si, compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur pouvait, objectivement et de bonne foi, comprendre que le salarié entendait quitter son emploi. Lorsque l’attitude du travailleur est équivoque, il incombe à l’employeur de le mettre en demeure de reprendre son activité. Dans le procès, il appartient à l’employeur de prouver les faits propres à dénoter un abandon de poste.
Dans le cas d’espèce, le TF a retenu que l’abandon d’emploi n’était pas reconnu dès lors que le travailleur s’était certes absenté mais qu’il rencontrait des problèmes de santé, exacerbés par les tensions régnant au sein du secrétariat permanent de son employeur. Il n’existait pas non plus de justes motifs de licenciement immédiat vu que l’absence du travailleur était justifiée par son incapacité de travail. L’indemnité de six mois de salaire est conforme au droit (TF 4A_21/2025 du 12 mai 2025).
Egalité hommes femmes – Harcèlement sexuel – Démission immédiate
Art. 4 Leg, 321c, 328 et 337d CO
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral retient que dans les juges ont correctement admis l’existence d’un harcèlement, en se fondant notamment sur des témoignages, commis par un employeur ayant déclaré à la travailleuse et à l’une de ses collègues que, si elles voulaient que leurs amis soient plus actifs dans les tâches ménagères, il fallait qu’elles les remercient « chaleureusement », en ayant également déclaré à la travailleuse « Ah vous voulez la fessée ! » alors que celle-ci avait commis une petite erreur, en lui ayant demandé si elle voulait une fessée « tout de suite ou immédiatement » et en ayant proposé à la travailleuse de s’asseoir sur ses genoux alors qu’il avait besoin de l’ordinateur sur lequel elle travaillait et enfin, à l’occasion des fêtes de Noël, en ayant offert à ses employées des bons d’achat pour de la lingerie.
C’est en outre à bon droit que la cour cantonale a fixé à 2’000 francs l’indemnité pour le tort moral subi.
Le TF tranche juge également que l’employeur n’a droit en l’espèce à aucune indemnité pour la démission immédiate sans justes motifs, étant observé que l’art. 337d al. 1 CO prévoit tout au plus un allègement de la preuve pour l’employeur, mais non une indemnité forfaitaire indépendante de l’existence d’un dommage (TF 4A_533/2024 du 24 juin 2025)
Certificat de travail – Références –Protection des données
Art. 75, 328b, 330a CO et 31 LPD
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral doit trancher une affaire portant sur le contenu du certificat de travail et l’obligation alléguée de l’employeur d’y fournir des références à son employé, et les conditions auxquelles l’employeur engage sa responsabilité si le contenu du certificat de travail n’est à ces égard pas conforme.
Le TF observe tout d’abord que le devoir de l’employeur de fournir des références au travailleur n’est pas prévu expressément dans la loi, contrairement à celui de remettre un certificat de travail. Il découle de la protection de la personnalité du travailleur, dans la perspective de favoriser l’avenir économique de ce dernier. L’employeur doit donc par principe offrir de telles références à la demande du travailleur, dès lors que cela est possible sans difficulté particulière. Les références sont un traitement de données soumis au régime de l’art. 328b CO et de la LPD. Le travailleur doit donc avoir donné son accord ou un motif justificatif au sens de l’art. 31 LPD doit prévaloir. La fourniture de références vise à préciser l’impression produite par le certificat de travail, en complétant et en précisant ce dernier, sans le remettre en cause.
Si l’employeur, dans le cadre des références qu’il donne, va au-delà d’un simple complément au certificat de travail, il trompe la confiance que le travailleur et les tiers pouvaient porter dans la justesse et la complétude du certificat de travail. Il doit réparer le dommage alors subi par le travailleur si le futur employeur potentiel renonce à embaucher le travailleur. De même, le refus arbitraire de donner des références à un potentiel employeur engage la responsabilité de l’ex-employeur. Ce régime est impératif et protégé par l’art. 341 CO.
Le délai dans lequel un certificat ou une attestation de travail doivent être fournis n’est pas indiqué par la loi, sauf à se référer à l’art. 75 CO (« immédiatement »), tout en interprétant ce concept de manière conforme à la bonne foi, c’est-à-dire en tenant compte de la complexité des informations à fournir, de la taille de l’entreprise et de la durée de la relation d’emploi. En l’espèce, le délai de dix jours, retenu par une grande entreprise internationale, confrontée à une situation délicate et à des difficultés de communication avec l’employé, pour décider de refuser l’octroi de référence n’est selon le TF pas critiquable (TF 4A_493/2024 du 17 juin 2025).