Les textes des différentes conventions collectives de travail de la construction applicables dans le canton de Vaud prévoient chacun expressément les majorations (exprimées en %) qu’il convient d’appliquer aux heures effectives de travail pour obtenir le montant de la part vacances des collaborateurs payés à l’heure.
Se pose toutefois la question de savoir si l’employeur peut ou non librement décider de payer dite majoration à chaque fin de mois en même temps que le salaire ou non.
Calcul de la part vacances
Les travailleurs payés à l’heure et ceux payés au mois doivent être traités sur pied d’égalité. Le fait d’être payé à l’heure ou au mois n’est en fait qu’un mode de rétribution du salaire, sans conséquence toutefois sur les droits du collaborateurs et les devoirs de l’employeur.
Au mois? Lorsqu’ils sont en vacances, les travailleurs au bénéfice d’un salaire mensuel touchent leur salaire normal, sans réduction. Leur droit annuel aux vacances est alors réduit du nombre de vacances pris.
A l’heure? Pour les travailleurs payés à l’heure, le salaire propre aux vacances est chiffré à l’aide une majoration en pourcent appliquées aux heures effectives travaillées, laquelle se détermine comme suit :
Gros œuvre
>20ans jusqu’à 50 ans révolus 10.60%
<20 ans et > 50 ans révolus 13.00%
Second-œuvre
>20ans jusqu’à 50 ans révolus 10.64%
< 20 ans et > 50 ans révolus 13.04%
Métallurgie
>20ans jusqu’à 56 ans révolus 10.64%
< 20 ans et > 56 ans révolus 13.04%
S’agissant de la manière d’opérer le versement, l’employeur pourrait être tenté de vouloir choisir entre les deux méthodes suivantes :
- Calculer mensuellement le montant de la part vacances et procéder à son paiement chaque mois en même temps que le salaire mensuel.
- Calculer mensuellement le montant de la part vacances, la porter en compte et déclencher son paiement au moment où le travailleur prend effectivement ses vacances. L’employé évite ainsi de se retrouver privé d’argent lorsqu’il se trouve en vacances.
💡 Dans la majeure partie des cas, l’employeur n’est toutefois pas libre de décider de la méthode de paiement à adopter car le versement de l’indemnité vacances en même temps que le salaire mensuel doit, pour être licite, répondre à des conditions strictes.
Moment du paiement de la part afférente aux vacances
Dans un arrêt de principe récent (ATF 149 III 202, du 30.01.2023), le Tribunal Fédéral (TF) a eu l’occasion de préciser sa jurisprudence relative au paiement mensuel de la part vacances.
Il y rappelle que le salaire afférent aux vacances doit, par principe, être payé lors de la prise effective de vacances. Le principe étant que le travailleur ne doit pas être placé, sur le plan salarial, dans une situation moins favorable durant ses vacances que s’il avait travaillé pendant ce même laps de temps.
En outre, un paiement lors de la prise effective de vacances permet également de satisfaire au principe voulant que les vacances ne peuvent être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages tant que durent les rapports de travail. Un cas exceptionnel dans lequel le salaire des vacances peut être versé en même temps que le salaire ordinaire ne peut être accepté qu’avec une extrême réserve, en ce sens qu’il doit exister des difficultés insurmontables qui rendent le paiement pendant les vacances pratiquement irréalisable. On pense par exemple à certains cas de travail à temps partiel auprès de plusieurs employeurs différents.
Le TF retient en effet désormais que même dans un cas d’occupation à pleins temps avec horaires irréguliers, l’offre actuelle de logiciels informatiques et de systèmes divers de saisie du temps de travail est suffisamment développée pour permettre le calcul, et le paiement, de l‘indemnité vacances sans occasionner d’inconvénient majeur.
Alors que la jurisprudence tolérait jusqu’alors quelques exceptions à ces principes en tolérant un paiement mensuel de la part vacances, notamment en cas d’occupation irrégulière, cette nouvelle jurisprudence pose désormais des conditions strictes pour cadrer les rares cas dans lesquels un paiement mensuel de la part vacances pourra encore être toléré à l’avenir.
Ainsi, une dérogation au principe de l’art. 329d CO demeure admissible uniquement lorsque les 3 conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- L’occupation du travailleur doit être irrégulière (par opposition à un temps plein notamment)
- La part du salaire afférente aux vacances (calculée en pourcentage du salaire ou versée en montant exact) doit être précisée de manière claire et expresse dans le contrat de travail
- L’indemnité afférente aux vacances doit figurer sur chacun des décomptes périodiques de salaire
Si ces conditions ne sont pas respectées, l’employé pourra alors prétendre au paiement du salaire afférent aux vacances malgré les indemnités vacances incluses dans son salaire global et ce même s’il a pris ses vacances en nature! Dans cette situation, l’employeur s’expose à devoir payer à double les vacances de l’intéressé. Il a en effet été reconnu que le travailleur qui, à la fin de ses rapports de travail, réclame son salaire de vacances en se fondant sur la disposition impérative de l’art. 329d al. 1 CO alors même qu’il a perçu mensuellement sa majoration n’abuse pas de son droit.
La simple mention « salaire vacances compris » dans le contrat ne suffit pas. Il est nécessaire que le salaire des vacances apparaisse en tant que tel par l’indication d’un montant ou d’un pourcentage déterminé, et ce aussi bien dans le contrat de travail que sur les différents décomptes de salaire édités par la suite.
💡 Recommandation : Au vu de ce qui précède, les entreprises ayant jusqu’alors pour pratique de payer la part vacances mensuellement sont invitées à modifier leur pratique. Le calcul pourra ainsi s’opérer mensuellement au regard des heures effectives travaillées, mais le montant de majoration ainsi obtenu devra néanmoins être porté en compte afin que son paiement puisse être déclenché ultérieurement lors de la prise effective de vacances.