La procédure de mainlevée de l’opposition
La procédure de mainlevée est un mécanisme du droit des poursuites suisse qui permet à un créancier de faire lever l’opposition formée par un débiteur à un commandement de payer qui lui a été notifié, afin de poursuivre l’exécution forcée, par voie de saisie ou de faillite.
La procédure de mainlevée, qu’elle soit provisoire ou définitive, est une procédure sur pièces (Urkundenprozess) dont le but n’est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l’existence d’un titre exécutoire, c’est-à-dire d’un document signé par le débiteur poursuivi, tel qu’une reconnaissance de dette, un contrat, un pv de chantier ou un jugement, qui atteste de manière suffisamment probante l’existence de la dette en poursuite. Le juge examine la force probante du titre produit par le créancier et sa nature formelle, sans se prononcer sur la validité de fonds de la créance elle-même. S’il dispose d’un titre de mainlevée, le créancier peut faire lever l’opposition formée de son débiteur, par une procédure plus rapide que s’il devait faire constater l’existence de sa créance par un procès.
Il faut distinguer la mainlevée provisoire et la mainlevée définitive.
La mainlevée provisoire (art. 82 LP)
Le créancier doit fonder sa poursuite sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi (ou son représentant), d’où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d’argent déterminée ou aisément déterminable et exigible. Un contrat écrit peut par exemple justifier la mainlevée provisoire d’une opposition si le montant réclamé en poursuite y est déterminable et si le débiteur a apposé sa signature manuscrite.
La procédure est introduite par une requête de mainlevée auprès du juge de paix compétent, qui donne au débiteur l’occasion de répondre, par écrit ou le cas échéant lors d’une audience, avant de notifier sa décision.
Si la mainlevée provisoire est accordée :
- le débiteur peut, dans les 20 jours à compter de la mainlevée, intenter une action en libération de dette au for de la poursuite, c’est-à-dire ouvrir action sur le fond pour faire prononcer par un juge qu’il ne doit pas la somme qui lui est réclamée.
- Si le débiteur n’exerce pas ce droit ou est débouté de son action, la mainlevée devient définitive et le créancier peut poursuivre la poursuite par voie de saisie.
Etant donné que la présence d’une signature sur le titre de mainlevée provisoire est déterminante pour permettre la levée de l’opposition du débiteur, il convient de préciser ici que d’autres formes de signatures ne satisfont pas cette exigence, en particulier la « signature scannée » insérée dans un document électronique ou la signature sur écran tactile. L’image électronique de la signature peut en effet être librement déplacée et insérée par la partie adverse qui en a la maîtrise. Rien ne garantit non plus que celui qui signe sur une tablette connaisse le contenu du texte dans lequel l’image de sa signature est ou sera insérée. La procédure de mainlevée provisoire ayant pour effet d’octroyer un important avantage procédural à celui qui est au bénéfice de la signature de son débiteur, il convient de s’en tenir à une définition stricte de la forme écrite et de la signature. Des documents non originaux (photocopie, pdf ou télécopie) sont en revanche admissibles pour autant qu’un original ait été signé sous forme papier.
la mainlevée définitive (art. 80 al. 1 LP)
La mainlevée définitive est accordée lorsque le créancier dispose d’un jugement exécutoire portant sur une prestation en argent, soit un jugement tranchant le fait que le débiteur lui doit la somme d’argent qu’il lui réclame. La procédure est également introduite par une requête de mainlevée auprès du juge de paix compétent, qui donne au débiteur l’occasion de répondre par écrit ou lors d’une audience, puis notifie sa décision.
Si la mainlevée définitive est prononcée par le juge, le créancier peut solliciter la continuation de la poursuite sans possibilité pour le débiteur d’intenter une action en libération de dette au fond comme il le peut en cas de mainlevée provisoire, car la créance est déjà établie par le jugement exécutoire que le créancier produit à l’appui de sa requête de mainlevée.
Recommandations
La procédure de mainlevée est une procédure rapide et efficace qui permet au créancier de faire utilement valoir sa créance contre un débiteur qui rechigne par exemple à lui payer ce qu’il lui doit. L’entrepreneur avisé tiendra compte des recommandations suivantes :
- Pour bénéficier des avantages que peut lui apporter une procédure de mainlevée, soit de faire rapidement lever l’opposition de son débiteur et continuer la poursuite, il est indispensable que l’entrepreneur qui peine à obtenir le paiement de sa facture dispose d’un titre de mainlevée en bonne et due forme, c’est-à-dire une reconnaissance de dette, un contrat, un pv de chantier ou tout document portant la signature du débiteur et un chiffre permettant d’identifier le montant qui lui est réclamé par voie de poursuite et dont il a reconnu, par sa signature, être débiteur.
- Passer un contrat par écrit est un des meilleurs moyens pour l’entrepreneur de se prémunir contre de futurs écueils. C’est notamment pour pouvoir utilement activer une procédure de mainlevée que le service juridique recommande que toute prestation proposée fasse l’objet d’un contrat signé, sans lequel la mainlevée d’une opposition ne peut qu’être refusée.
- D’une façon générale, on ne recommandera jamais assez à l’entrepreneur de prévoir le paiement d’’un acompte à la commande dans le contrat passé, pour se préserver des conséquences futures possible du non-respect du contrat : non seulement cela réduit d’autant le montant que le client pourrait ne pas avoir payé à la fin du contrat, mais le paiement d’un acompte renforce les moyens de preuve dont dispose l’entrepreneur pour établir l’existence du contrat qu’il a passé avec son client, et sa posture tant dans une procédure de fond que dans une procédure de mainlevée.
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