Carrière du Mormont suite, mais pas encore fin

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Le 14 juin, le Département de l’environnement et de la sécurité a annoncé prolonger le permis d’exploitation de la carrière du Mormont. Cela ne met pas pour autant un point final à la saga initiée par les zadistes. Retour sur la chronologie des événements et les enjeux.

Il y a quelques semaines, le Grand Conseil a refusé une motion des verts vaudois demandant l’arrêt de l’exploitation de la carrière du Mormont. Suivant les conclusions du rapporteur de minorité, Patrick Simonin, les députés ont ainsi estimé que tout était déjà en place pour protéger au mieux la colline du Mormont:

  • Le sommet du Mormont est déjà suffisamment protégé.  
  • Des projets de préservation de la biodiversité sont en place, le passage à faune est maintenu et le tout est piloté par les autorités et les organisations de protection de la nature.   

Le clinker au cœur de la polémique  
Si les détracteurs de la construction ont tiré à boulets rouges sur le béton, c’est principalement en raison de la production de CO2 en lien avec la fabrication du ciment, lequel est le liant utilisé dans la composition du béton. Pour fabriquer le clinker, constituant du ciment, il faut chauffer un mélange, composé principalement de calcaire et d’argile, à environ 1450 degrés ; c’est cette transformation qui produit les émanations de CO2. Les cimenteries récupèrent la chaleur dégagée par cette combustion ; dans le cas du site d’Eclépens par exemple, la chaleur du four est récupérée pour un chauffage à distance qui alimente aujourd’hui les villages d’Éclépens, de La Sarraz et l’hôpital de Saint-Loup. Le groupe a également installé une turbine qui produit de l’électricité pour ses propres besoins, mais aussi pour la distribuer à quelque 1200 ménages.   

Circuits courts pour du ciment local 
Dans le cas du béton vaudois, la matière première, à savoir le sable, le gravier et le calcaire sont issus de la région. C’est donc bien de circuits courts dont on parle. Pour combler le manque de ces ressources locales, il faudrait en importer notamment du Jura français avec toutes les conséquences négatives que cela occasionne : pollution de l’air par les gaz d’échappement des camions, trafic dérangeant sur les routes et impact sur l’emploi local. Parce que soulignons-le, le canton de Vaud a besoin, aux côtés d’autres matériaux, de béton pour la réalisation de ses infrastructures et notamment celles attendues par la population: chemin de fer (projet Léman 2030, y compris la transformation-extension des gares), développement du métro M3 à Lausanne, tram reliant Villars-Ste-Croix et Lausanne, réseau de mobilité douce, etc.  

Un besoin évident 
La Suisse consomme environ 5 millions de tonnes de ciment chaque année, dont 86% fournis par les cimenteries suisses, le reste étant importé. 

Cela étant, l’Office fédéral de topographie swisstopo, chargé de réaliser des rapports sur l’approvisionnement de la Suisse en matières premières, a rendu en 2020 une étude relative aux composants du ciment. En résumé, « Le degré de couverture des besoins suisses en ciment par la production indigène tomberait à quelque 64 % à partir de 2024 faute d’autorisation des extensions de sites d’extraction sollicitées par les cimenteries. Si les projets d’extension faisant l’objet d’une demande sont autorisés d’ici 2023, cette baisse de la production suisse de ciment serait repoussée à fin 2030. À partir de 2031, si aucune extension supplémentaire n’est accordée, ou si aucun nouveau site n’est identifié, il faut s’attendre à un nouveau recul de l’approvisionnement. »   

Une décision attendue du TF 
Dans le cas de la carrière du Mormont, le permis d’exploitation vient d’être prolongé pour 5 ans par l’Etat de Vaud, mais la progression des besoins vaudois requiert une extension (le Plan d’Affectation Cantonal prévoit le plateau de la Birette comme réserve) qui est toujours compromise, en fonction d’une décision pendante au Tribunal Fédéral. Concrètement, cela signifierait une importation de matériaux avoisinant 40% des besoins vaudois, des centaines de milliers de tonnes de déchets polluants à placer en décharge, car plus employés comme combustible pour le four de la cimenterie (résidus de tri broyés, de bois usé, des boues d’épuration séchées, des farines animales, des pneus ou encore des liquides tels que solvants et huiles usées). Le délai nécessaire pour obtenir une autorisation d’extraction, de l’établissement du plan directeur au début de l’exploitation des matières premières, peut atteindre dix à quinze ans. La conclusion s’impose : nous ne pouvons pas attendre aussi longtemps, tant pour la préservation de la qualité de l’air et de l’environnement – les décharges vaudoises arrivent à saturation – que pour permettre la poursuite de chantiers essentiels au développement du canton. 

La population aura le dernier mot 
Quelle que soit la décision du Tribunal fédéral, c’est la population vaudoise qui aura le dernier mot dans les urnes, car l’initiative “Sauvons le Mormont” a abouti début juin. Ainsi, dans un délai de deux ans, il s’agira de se prononcer sur ’interdiction de toute exploitation du sol “à l’exception d’une activité agricole et sylvicole respectueuse de l’environnement et de la nature”. Ce texte constitutionnel est non seulement problématique pour les besoins en béton des projets vaudois, pour le chauffage à distance des communes limitrophes, mais également par le message politique qu’il tente de diffuser en opposant les matériaux les uns contre les autres tout en catégorisant le béton dans la case “pollueur”. Ainsi, ces prochains mois, il faudra s’atteler à marteler que le béton est local, complémentaire aux autres matériaux et que de nombreuses pistes existent pour sa circularité (béton recyclé, réemploi) ou la nette amélioration de son bilan CO2.