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LES RAPPELS DU MOIS PAR LA JURISPRUDENCE

Choix de jurisprudences du Tribunal fédéral

Dans la présente chronique, nous proposons un nouveau choix de décisions rendues par notre Haute Cour, offrant des éclairages précieux à l’entrepreneur sur des enjeux jalonnant la pratique de son métier, soit en particulier :

  • Des arrêts pertinents dans les domaines du droit de la propriété, de l’aménagement du territoire des marchés publics offrent des rappels concrets et pratiques à l’entrepreneur.
  • Un choix de décisions récentes en droit du travail propose des éclairages bienvenus sur différentes notions que l’entrepreneur employeur doit avoir à l’esprit.
  • Enfin un arrêt de principe répète les conditions formelles que l’entrepreneur désireux de faire inscrire une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs doit respecter pour sauvegarder sa créance liée à des travaux effectués sur un immeuble. Le délai péremptoire à respecter pour faire inscrire l’hypothèque et la notion d’achèvement des travaux à compter duquel il commence à courir, sont ici examinés.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

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Mes projets

Marchés publics

La publication automatique d’une sanction en matière de marchés publics dans le journal officiel cantonal viole le droit à l’autodétermination informelle et est disproportionnée

Art. 13 al. 2 Cst.
Le Conseil d’État du Tessin décide d’exclure une société tessinoise de l’attribution des marchés publics. En effet, la société aurait effectué de la sous-traitance en chaîne alors que cela était strictement interdit. Le Conseil d’État décide que sa décision d’exclusion sera publiée sur le site Internet de l’autorité cantonale compétente pour la durée de l’exclusion ainsi que dans la Feuille officielle cantonale. La société conteste devant le Tribunale amministrativo tessinois en particulier la publication de la sanction, sans succès. Saisi du litige, le Tribunal fédéral doit examiner si la publication de la sanction respecte le droit à l’autodétermination informationnelle garanti par l’art. 13 al. 2 Cst.

L’art. 13 al. 2 Cst. prévoit que toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent. Pour les personnes morales, ce droit garantit la protection de leur entreprise, de leurs communications et de leurs données ainsi que de leur réputation. Par ailleurs, les informations relatives à une sanction administrative constituent des données sensibles, dignes d’une protection particulière. Comme chaque droit fondamental, le droit à l’autodétermination informationnelle peut être restreint aux conditions de l’art. 36 Cst.

Le Tribunal fédéral examine ainsi si la publication de l’exclusion des marchés publics est prévue par une base légale, vise un intérêt public et est proportionnée :

  • L’ 45 al. 4 de la legge sulle commesse pubbliche(LCPubb/TI) prévoit que les décisions d’exclusion sont rendues publiques par le biais du Journal officiel. Selon le message relatif à cette disposition, la publication de la décision vise à « décourager ceux qui entendent violer ou contourner abusivement les règles de droit » afin de dissuader le dumping salarial, notamment dans le secteur de la construction, en raison de la sous-traitance en chaîne. La publication repose ainsi sur une base légale formelle et répond à un intérêt public légitime.
  • Concernant la proportionnalité, le Tribunal fédéral retient que l’ 45 al. 4 LCPubb/TIest problématique. En effet, cette norme ne laisse aucune marge d’appréciation à l’autorité compétente en raison de l’automatisme de la publication des décisions. Elle est encore plus problématique puisque la publication a lieu dans le Journal officiel, lequel reste disponible dans les archives et peut être consulté par tout un chacun sans limite temporelle. Le risque d’atteinte à la réputation est ainsi particulièrement élevé.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral retient que l’atteinte portée aux intérêts de la société tessinoise est manifestement excessive par rapport à l’intérêt poursuivi par la publication de la sanction. La publication automatique de la sanction est ainsi disproportionnée et le recours de la société tessinoise admis (TF 2D 8/2021 du 7 août 2022).


Droit de la propriété

Propriété par étages – Travaux de construction sur les parties communes sans décision de la communauté

Art. 647 al. 2 ch. 2, 647css, 712h et 721m CC

Une personne et deux époux sont copropriétaires par étages d’une parcelle sur laquelle se trouvent deux villas mitoyennes. Chacun se voit attribuer une partie du parvis pour utilisation exclusive. Les époux décident de rénover leur moitié du parvis et, dans ce cadre, effectuent divers travaux. Ils font notamment rénover les conduites communes d’électricité, eau et gaz et déplacent le chemin d’accès partagé menant à l’immeuble – ce sans consulter le troisième copropriétaire, qui requiert d’un tribunal qu’il ordonne la remise en état des lieux. Les époux exigent la participation du troisième copropriétaire aux coûts de rénovation des conduites à raison de la moitié. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral est appelé à clarifier si un copropriétaire par étages peut prétendre à une compensation lorsqu’un copropriétaire a entrepris de son propre chef des travaux de construction sur des parties communes.

Le Tribunal fédéral rappelle d’abord que les conduites industrielles telles que celles du cas d’espèce constituent des parties communes , de sorte que tout droit exclusif est exclu. D’autre part, les questions concernant des intérêts communs nécessitent en principe une prise de décision conjointe. Cela concerne en particulier les actes d’administration et les travaux sur des parties communes, indépendamment de leur caractère nécessaire, utile ou somptuaire. Selon le Tribunal fédéral, rien ne permettait de conclure que les conduites remplacées étaient menacées par un dommage imminent. Ainsi les époux ne pouvaient pas entreprendre l’assainissement aux frais de tous les copropriétaires sans décision communautaire préalable.

S’agissant de la question de savoir qui doit supporter les coûts de réfection de ces parties communes, le Tribunal fédéral rappelle que les copropriétaires par étages supportent en principe les frais d’entretien, de réparation et de rénovation des parties communes proportionnellement à la valeur de leurs parts. En l’espèce toutefois, le Tribunal fédéral estime qu’il n’y a pas lieu de trancher cette question, car la demande de compensation des époux propriétaires d’étage ne pouvait être dirigée contre le 3ème propriétaire, mais devait l’être contre la communauté au nom de laquelle celui-ci a agi. Partant, le Tribunal admet le recours et rejette la demande de compensation des époux (TF 5A 831/2020 du 29 juillet 2021).


Aménagement du territoire

Zone agricole – Construction non conforme à la zone – Transformation partielle –Garantie de la situation acquise

Art. 16 et 24 C LAT, 41 et 42 OAT
Dans cet arrêt le Tribunal fédéral tranche un litige portant sur le statut d’un pavillon érigé en 1945 conformément au droit matériel en vigueur à l’époque, mais qui s’avère contraire à l’affectation de la zone à la suite d’une modification de la législation ou des plans d’aménagement, puisqu’il se trouve désormais en zone agricole non constructible. La question se pose de savoir dans quelle mesure un tel édifice peut être reconstruit.

Le Tribunal fédéral retient qu’il y a changement d’identité en cas de démolition d’un pavillon en bois sans chauffage et sans autre raccordement que celui à la fosse septique et au puits perdu et dépourvu d’électricité lors de sa construction en 1945, pour être remplacé par une nouvelle construction entièrement isolée, raccordée au réseau séparatif des eaux et à celui de l’électricité, et adapté aux standards de conforts actuels comprenant notamment un chauffage fixe.

Le but de protection environnementale visé par l’isolation thermique du bâtiment revêt certes un intérêt public certain, mais cela ne constitue cependant qu’un élément secondaire dans l’examen du projet, dès lors que celui-ci se trouve en zone agricole, par définition inconstructible.

La transformation du pavillon sis en zone inconstructible en habitation durable reviendrait non seulement à élargir les droits découlant de la garantie de la situation acquise, mais permettrait également de court-circuiter les options prises par la planification cantonale.

En synthèse, il faut retenir de cette décision que la transformation d’un bâtiment est considérée comme partielle et un agrandissement comme mesuré au sens des art. 24c LAT et 42 OAT lorsque l’identité de la construction ou de l’installation et de ses abords est respectée pour l’essentiel. Les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l’utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire. Il s’agit d’éviter que les bâtiments habités de manière temporaire soient réaffectés à un usage d’habitation permanent (TF 1C 270/2022 du 19 juillet 2023).

Mes affaires

Contrat de vente

Défaut de contenance de l’immeuble – Qualité promise – Action en réduction du prix

Art. 197ss et 219 CO
Si la surface de l’immeuble vendu est inférieure à celle indiquée dans le contrat de vente, parce que la surface inexacte résulte d’une procédure de mensuration officielle portée au registre foncier, le vendeur n’est tenu à garantie que s’il s’y est expressément obligé (art. 219 al. 2 CO). Si l’inexactitude concerne un immeuble qui n’a pas fait l’objet d’une mensuration officielle portée au registre foncier, le vendeur est responsable du défaut de contenance.

Les surfaces indiquées dans les plans utilisés lors des pourparlers contractuels précédant la conclusion du contrat de vente d’une part d’étage sont des qualités promises. L’acheteur peut en principe s’y fier, sans avoir à vérifier leur exactitude avant de conclure le contrat.

En l’espèce, l’habitabilité d’une surface de 66.5 m2 d’une mezzanine était une qualité promise et attendue de la chose. En effet, cette surface figurait comme telle dans la documentation de la venderesse. Le fait que le prix de vente était inférieur au prix du marché n’exclut pas l’existence d’un défaut. Le prix pouvait également dépendre de facteurs subjectifs, tels que la capacité de négociation des parties, l’état de nécessité du vendeur et les goûts de l’acheteur. En l’occurrence, aucun élément ne permettait à l’acheteur de déduire du prix de vente que la surface de 66.5métait inhabitable (TF 4A_499/2022 du 08 août 2023).


Contrat d’entreprise

Prise de métrés – Norme SIA 118 – Fardeau de l’allégation

Art. 18 CO, 55 CPC, 142 et 154 Norme SIA 118
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral est amené à se prononcer sur l’interprétation d’un contrat d’entreprise, notamment en ce qu’il concerne les modalités arrêtées par les parties au contrat d’entreprise pour la prise de métrés.

Le Tribunal fédéral constate d’abord que le contrat prévoit que les métrés devront être effectués en commun avec le maître ou par une entreprise tierce, à l’aide d’un programme informatique et devront être contrôlables et compréhensibles. Dans ce contexte, les métrés effectués par l’entrepreneur seul ne sont pas conformes au contrat et le fait qu’il les envoie au maître pour vérification ne leur confère aucune valeur. Le maître pouvait légitimement comprendre ces envois comme un simple moyen de vérifier l’avancement du chantier afin de respecter l’échelonnement des paiements et il n’était pas tenu de vérifier les métrés. Pour les mêmes motifs, son silence ne vaut ni acceptation des métrés ni reconnaissance de dette, qui plus est alors que toute modification contractuelle était soumise à la forme écrite.

Par ailleurs, le Tribunal doit statuer sur la portée de la norme SIA 118 dans cette affaire, l’entrepreneur soutenant qu’elle a été intégrée au contrat, et qu’elle conditionne les modalités de prise de métré arrêtées par les parties. Sur ce point, et bien qu’elle ait été intégrée au contrat, l’entrepreneur ne peut rien tirer des règles de la norme SIA 118 concernant les métrés et leur vérification, puisque le contrat prévoyait des règles spécifiques différentes, qui l’emportent (TF 4A_77/2023 du 27 septembre 2023).

Qualification d’un contrat de nettoyage de vitres – Dommage – Degré de la preuve

Art. 363ss CO et 8 CC
Les opérations de nettoyage de vitres, comme en l’occurrence de celles d’une villa en fin de chantier, relèvent du contrat d’entreprise. Les vitres qui sont rayées par l’entrepreneur ou ses auxiliaires lors de leur nettoyage ne sont pas un défaut de l’ouvrage, ni un dommage consécutif à un défaut, mais un dommage accessoire. Celui–ci découle de la violation d’une obligation accessoire de l’entrepreneur. En effet, à la fin de l’exécution du contrat d’entreprise portant sur le nettoyage des vitres, celles–ci étaient propres. Ce ne sont donc pas les droits à la garantie pour les défauts (art. 368 CO) qui entrent en jeu pour la réparation de ce dommage (lesquels sont soumis en particulier au devoir d’avis des défauts et au délai de prescription de l’art. 371 CO), mais les règles générales sur l’inexécution des obligations des art. 97 ss et 101 CO ainsi que la prescription de l’art. 127 CO.

Pour que le juge puisse admettre que l’entrepreneur a violé son devoir de diligence en ce sens qu’il n’a pas usé avec le soin voulu des vitrages mis à sa disposition par le maître de l’ouvrage, il incombe à celui–ci de prouver que les vitres n’étaient pas rayées avant le début du nettoyage effectué par l’entrepreneur et qu’elles l’étaient sitôt après ce nettoyage. En l’espèce, par substitution de motifs, le TF constate que la preuve que l’entrepreneur a violé son obligation contractuelle accessoire de prendre soin de la matière fournie par le maître a bien été apportée (TF 4A_531/2023 du 20 octobre 2023).

Prix de l’ouvrage

Art. 373 et 374 CO
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a l’occasion de rappeler les principes qui gouvernent la fixation du prix de l’ouvrage dans le contrat d’entreprise :

  • Si le prix de l’ouvrage a été déterminé précisément à l’avance, l’entrepreneur est tenu, sous réserve de circonstances exceptionnelles, d’achever l’ouvrage pour cette somme (art. 373 CO).
  • Si le prix n’a pas été déterminé à l’avance ou s’il a été fixé approximativement, il est fixé en fonction de la valeur du travail et des dépenses de l’entrepreneur (art. 374 CO). Dans ces circonstances, la rémunération de l’entrepreneur correspond aux dépenses objectivement nécessaires pour un travail soigné. Les dépenses invoquées doivent donc être présentées de manière à ce que leur nécessité et leur adéquation puissent être vérifiées. Cela présuppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail consacrées à ces travaux. Il ne suffit pas de dresser des tableaux indiquant quels collaborateurs ont travaillé à quelle date et pendant combien d’heures. Des indications inexistantes ou se limitant à des mots clés ou à des descriptions vagues et incompréhensibles ne satisfont pas aux exigences.

Dans le cas d’espèce, le contrat portait sur la construction d’un laboratoire de nanotechnologie clé en main. Des factures de sous-traitants restaient impayées pour un montant d’un peu moins de CHF 4 millions. Or, en présence d’un contrat prévoyant un système de décompte ouvert, il ne suffit pas d’apporter la preuve que les factures des sous-traitants ont été générées pour la construction de l’ouvrage et qu’elles ont été entièrement payées. En l’absence de prix fixe ou maximal, l’entrepreneur ne peut pas se prévaloir du fait qu’il a respecté l’objectif de coûts. Il doit dans tous les cas démontrer quelles prestations concrètes ont été fournies par les sous-traitants concernés et si celles-ci étaient nécessaires et les prix appropriés pour justifier le prix final de l’ouvrage (TF 4A_226/2023 du 10 octobre 2023).

Mes collaborateurs

Droit du travail

Congé abusif – maladie du travailleur

Art. 336 CO
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral doit trancher la question de savoir dans quelle mesure la résiliation d’un contrat par un employeur au motif d’un maladie persistante de l’employé doit être tenue pour abusive.

A cet égard, le TF rappelle que ce n’est que dans des situations très graves que la résiliation pour cause de maladie persistante doit être qualifiée d’abusive au sens de l’art. 336 al. 1 let. a CO. Tel est le cas lorsqu’il résulte de manière univoque de l’administration des preuves que l’employeur a directement causé la maladie du travailleur, par exemple lorsqu’il a omis de prendre les mesures de protection du travailleur telles que celles prévues à l’art. 328 al. 2 CO et que le travailleur est devenu malade pour cette raison.

Si la situation n’atteint pas ce degré de gravité, comme c’est souvent le cas en cas d’incapacité de travail en raison d’une maladie psychique, le congé n’est pas abusif. En effet, des difficultés au travail peuvent fréquemment entraîner une dépression ou d’autres troubles psychologiques, qui ne sont pas constitutifs d’une maladie directement causée par l’employeur. Le fait qu’un conflit avec un nouveau supérieur hiérarchique puisse entraîner une incapacité de travail ne doit généralement pas être pris en considération. Le TF considère que de telles situations de conflit sont fréquentes et n’atteignent la plupart du temps pas le degré de gravité nécessaire pour que l’existence d’un congé abusif puisse être admise. De plus, on ne saurait exiger de l’employeur qu’il prenne toutes les mesures envisageables pour éviter un tel conflit. En l’espèce, le licenciement n’a pas été tenu pour abusif (TF 4A_396/2022 du 7 novembre 2023).

Congé immédiat – Démission

Art. 21, 24 et 337 CO
Dans cette affaire le TF juge que, lorsqu’une travailleuse, enceinte et après une discussion avec son employeuse, écrit une lettre de démission immédiate, contresignée par la seconde, il ne s’agit pas d’une fin du contrat d’un commun accord. En l’espèce, la volonté de la travailleuse était claire et exempte d’incertitudes. La mention de l’employeuse (« par la présente, j’accepte votre démission »), sur la lettre de congé que lui a remise son employée signifie, simplement qu’elle en a accusé réception.

Cette démission n’était de toute façon pas révocable, et aucune incapacité de discernement temporaire n’est prouvée. Il n’y avait pas de crainte fondée (art. 24 CO). S’agissant d’un acte unilatéral, ni la lésion (art. 21 CO ), ni l’impossibilité de renoncer (art. 341 CO) ne trouvent application. Le TF confirme que la démission immédiate ainsi signifiée est effective (TF 4A_439/2022 du 25 août 2023).

Salaire – Indemnité prévue par la CCT

Art. 23 CCT-SOR
Le litige porte dans cette affaire sur le sort à réserver aux demi-heures supplémentaires dont le travailleur réclame rétroactivement le paiement à son employeur.

En l’espèce, Le TF retient que l’employé ne devait pas être payé une demi-heure supplémentaire par jour, puisque, s’il arrivait bien le matin à l’atelier vers 7h30, il n’avait pas établi avoir occupé le laps de temps compris entre 7h30 et 8h00 à des tâches relevant du travail, la Cour ayant retenu que cette demi-heure avait été dédiée au déplacement jusqu’aux chantiers et que, selon la CCT applicable, ici l’article 23 CCT-SOR le temps de transport n’était indemnisé que s’il dépassait une demi-heure par jour.

Pour qu’une rémunération fût due, il eût fallu prouver, le cas échéant, quels eussent été les trajets parcourus et quel surcroît de temps de déplacement ceci eût représenté pour le travailleur, en fonction de son domicile et du lieu des différents chantiers (TF 4A_65/2023 du 15 novembre 2023).

Mes litiges

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Délai pour l’inscription d’une hypothèque – Achèvement des travaux

Art. 839 al. 2 CC
Dans ce dossier, des travaux relatifs à l’hivernage d’une piscine sont invoqués par l’entrepreneur comme des travaux faisant partie du contrat d’entreprise au titre duquel l’inscription d’une hypothèque légale est sollicitée, dans le but de soutenir que cette requête inscription intervient encore dans le délai péremptoire de 4 mois qui suit l’achèvement des travaux. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral a l’occasion de rappeler deux éléments cardinaux qui conditionnent l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs :

Délai pour l’inscription d’une hypothèque légale (art. 839 al. 2 CC) – L’inscription doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux. Il s’agit d’un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais il peut être sauvegardé par l’annotation d’une inscription provisoire.

Achèvement des travaux – Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l’objet du contrat d’entreprise ont été exécutés et que l’ouvrage est livrable. Ne sont considérés comme travaux d’achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d’entreprise et du descriptif, non les prestations commandées en surplus sans qu’on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat. Des travaux de peu d’importance ou accessoires, différés intentionnellement par l’artisan ou l’entrepreneur, ou bien encore des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de quelque autre défaut) ne constituent pas des travaux d’achèvement. Des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, même de peu d’importance, constituent donc des travaux d’achèvement. Les travaux sont ainsi jugés selon un point de vue qualitatif plutôt que quantitatif. Le délai commence à courir dès l’achèvement des travaux, et non pas dès l’établissement de la facture, même si cet élément peut constituer un indice de la fin des travaux.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral retient que les travaux d’hivernage invoqués par l’entrepreneur ne constituent pas des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, mais des travaux différés volontairement en raison de la saison. Les autres interventions alléguées par l’entrepreneur correspondent soit à des travaux de réfection, soit à des travaux volontairement différés par l’entrepreneur, qui a donc dépassé le délai de 4 mois depuis l’achèvement des travaux dans lequel il devait solliciter l’inscription de son hypothèque légale (TF 5A_203/2023 du 30 août 2023).


Poursuite et faillite

Action en libération de dette – Principe de disposition

Art. 83 al. 2 LP
Dans cet arrêt de principe, le Tribunal fédéral est appelé à se prononcer sur un recours, dans le cadre duquel un débiteur poursuivi se plaint du fait que les fondements juridiques invoqués par le créancier poursuivant dans le cadre de la procédure en libération de dette ne sont pas les mêmes que ceux qu’il invoquait dans sa réquisition de poursuite.

Dans l’action en libération de dette, soit le procès de fond que le débiteur doit ouvrir contre le créancer pour établir qu’il ne doit pas créance réclamée dans le commandement de payer, le créancier doit faire valoir la même créance que celle qu’il a désignée dans la réquisition de poursuite. Cependant, le fondement juridique mentionné dans le commandement de payer n’empêche pas le créancier d’invoquer un autre fondement juridique dans l’action en libération de dette.

Ainsi, même si le commandement de payer mentionne une prétention contractuelle, dans le cas d’espèce un prêt octroyé au débiteur dont le créancier réclame le remboursement, cela n’exclut pas que le créancier fonde ses prétentions dans l’action en libération de dette sur l’enrichissement illégitime, un quasi-contrat ou un délit, dans la mesure où il y a identité entre la prétention déduite en poursuite et celle faisant l’objet de l’action en libération de dette (TF 4A_378/2022 du 30 mars 2023).