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La décision du mois

Droit du travail
Le Tribunal fédéral confirme que l’employé qui se trouve en incapacité totale de travailler pour burnout viole gravement son obligation de fidélité vis-à-vis de son employeur s’il apparait qu’il se consacre à une activité lucrative soutenue pendant la même période, alors qu’il est censé se reposer. Un tel comportement constitue un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail (TF 4A_379/2021 du 21 septembre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 212).

Par Albert VON BRAUN, avocat au service juridique de la Fédération vaudoise des entrepreneurs.

 

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Mon entreprise

DROIT DES SOCIÉTÉS

Carences dans l’organisation d’une société anonyme – Succession

Art. 731b CO et 74 CPC
Un héritier, membre d’une communauté héréditaire détenant collectivement une société anonyme, peut intervenir à titre individuel dans un procès intenté par l’exécuteur testamentaire à l’encontre de cette société pour carence d’organisation, car il détient un intérêt juridique individuel à intervenir dans une telle procédure (art. 731b CO). (TF 4A_147/2021 du 27 octobre 2021 = ATF 147 III 537)

Acquisition par la société de parts sociales propres – Sortie d’un associé

Art. 783 et 822 CO
Si le départ d’un associé pour de justes motifs (art. 822 CO) d’une Sàrl a pour conséquence que la société détient des parts sociales propres d’une valeur nominale de plus de 35% du capital social (art. 783 al. 2 CO), cette sortie ne doit pas être autorisée. Contrairement à ce que la loi prévoit en cas d’action en dissolution (art. 821 al. 3 CO), le juge ne peut pas, sans conclusions correspondantes, ordonner d’office une solution alternative à la sortie (art. 822 CO), en vertu du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC). Ainsi, l’associé aurait dû requérir la dissolution de la société ou une autre solution appropriée en cas de rejet de sa demande de dissolution (TF 4A_209/2021 du 1 juillet 2021 = ATF 147 III 505).

Mes projets

DROIT DE LA PROPRIÉTÉ

Servitudes – Exigence de consentement du propriétaire d’un fonds servant

Art. 739, 971 al. 1, 974 al. 2, 974 al. 3 et 975 CC
Le propriétaire du fonds servant peut se voir imposer une tolérance des besoins nouveaux du fond dominant (aggravation de la charge) dus à une modification des circonstances objectives, si les limites de l’inscription et du but primitif de la servitude sont respectées (principe de l’identité de la servitude). L’utilisation dans un autre but, sans relation avec le but originaire de la servitude, constitue un usage excessif du droit. Deux meubles au bénéfice de servitudes ne peuvent être réunis que si le propriétaire du fonds servant y consent, ou qu’il n’en résulte pas une aggravation de la charge. Le consentement du propriétaire grevé doit être donné dans la même forme que celle prévalant pour la constitution de la servitude, soit la forme authentique depuis 2012 (TF 5A_2021 du 15 octobre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 215).


AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET POLICE DES CONSTRUCTIONS

Autorisation d’une construction – Bien-fonds accessible par une servitude foncière

Art. 19 et 22 LAT
Il est possible d’autoriser une construction sur un bien-fonds qui, sans être directement accessible depuis la voie publique, l’est par le biais d’une servitude foncière, dans la mesure où cet accès est suffisant au regard de l’utilisation prévue. En cas de doute sur la capacité de l’accès prévu, l’autorisation de construire doit être refusée. Dans le cas d’espèce, les recourants, opposants au projet de construction qui se plaignaient de ce que l’accès au bien fonds était insuffisant, échouent à apporter la preuve que la servitude de passage à tous usages ne serait pas à même d’endiguer le trafic occasionné par les logements à construire, de sorte que c’est à bon droit que l’autorisation de construire a été délivrée par l’autorité compétente (TF 1C_2020 du 19 mai 2021 = SJ 2022 n° 2 p. 118).

Mes affaires

CONTRAT D’ENTREPRISE

Qualité pour recourir d’un soumissionnaire – Révocation d’une première décision d’adjudication

Art. 9 Cst
L’annulation d’une décision d’adjudication n’a pas seulement d’effets entre les parties au recours, mais également à l’égard de tous les soumissionnaires ayant participé à la procédure d’adjudication. Ainsi, une nouvelle décision révoquant une première décision d’adjudication a pour effet que les offres des autres soumissionnaires entrent à nouveau en considération. Tous les soumissionnaires conservent un intérêt digne de protection à recourir contre la seconde décision d’adjudication, même dans l’hypothèse où ils ont été écartés par la première décision d’adjudication et n’ont pas recouru contre elle (TF 2D_27/2020 du 5 novembre 2021 = SJ 2022 n° 2 p. 93).


PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Droits des marques – Forme techniquement nécessaire

Art. 2 let. b LPM
La forme des capsules Nespresso ne peut pas être protégée par le droit des marques. En effet, cette forme est techniquement nécessaire, au sens de l’art. 2 let. b LPM, pour l’utilisation des machines Nespresso, qui ne bénéficient plus de la protection d’un brevet. En droit suisse, la jurisprudence prescrit de rechercher si les concurrents disposent de solutions alternatives ; cet examen peut le cas échéant se restreindre aux formes compatibles avec un certain système (en l’occurrence une capsule de café destinées à être insérée dans une machine «Nespresso» dotée d’un certain procédé d’extraction du café. En l’espèce le Tribunal fédéral retient que des formes alternatives présentant des inconvénients ne peuvent être imposées aux concurrents de Nespresso (TF 4A_61/2021 du 7 septembre 2021 = ATF 147 III 517).

Mes collaborateurs

CONTRAT DE TRAVAIL

Résiliation immédiate d’un contrat de travail – Exercice d’une activité accessoire durant une incapacité

Art. 331 a et 337 CO
Le fait pour l’employé de s’adonner à une activité accessoire à caractère professionnel, alors qu’il est en incapacité de travail, peut constituer un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail. En l’espèce, le travailleur qui se trouvait en incapacité de travail pour burnout a développé pendant son incapacité une activité lucrative d’élevage de chats, impliquant des voyages à l’étranger pour prendre part à des concours et l’utilisation de son téléphone professionnel à cette même fin. Le Tribunal fédéral confirme qu’en exerçant une activité lucrative soutenue, alors que les certificats médicaux présentés à son employeur indiquaient qu’il devait se reposer, le travailleur a gravement violé son obligation de fidélité vis-à-vis de son employeur. La Cour cantonale n’a pas sombré dans l’arbitraire en validant l’existence d’un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail (TF 4A_379/2021 du 21 septembre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 212).

Licenciement immédiat – Justes motifs

Art. 337 CO
Responsable des investissements immobiliers d’une institution de prévoyance, le salarié a commis diverses violations de son contrat en rapport avec le  projet X»: Par exemple, il a omis d’informer la commission d’investissement de l’augmentation des prêts, entraînant un volume prévisible des investissements de Fr. 20 Moi. De plus, en prenant seul la décision de conclure un prêt, il a commis une grosse violation de son contrat, ébranlant durablement le rapport de confiance. Ces violations, non pas prises séparément, mais prises ensemble et auxquelles se sont ajoutés d’autres manquements moins graves, justifiaient le licenciement immédiat (TF 4A_342/2021 = DTA 4/2021 p. 383).


CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL

Retraite anticipée pour les travailleurs du secteur principal de la construction et du carrelage du Canton du Valais (CCT Retabat)

Art. 20 al. 3 LES et 48c OSE
Une entreprise qui met à disposition des travailleurs à disposition d’entreprises locataires de service soumises à la CCT Retabat, laquelle a été étendue, est tenue de respecter le régime de retraite anticipée envers ces travailleurs, qu’elle doit affilier à la caisse de retraite anticipée du secteur principal de la construction et du carrelage du canton du Valais. Lorsqu’une augmentation du taux de cotisation n’a pas été déclaré obligatoire, la caisse Retabat ne peut imposer au bailleur de services un taux de cotisation plus élevée que celui qui figure dans la CCT Retabat étendue (TF 9C_210/2020 du 28 mai 2021 = ATF 147 II 397).


ASSURANCES SOCIALES

Assurance-chômage – Aptitude au placement malgré la prise en charge des enfants

Art. 8 al. 1 let f et 15 al. 1 LACI
Conformément à l’art. 8 al. 1 let f LACI, l’assuré a droit à l’indemnité chômage s’il est apte au placement. Tel est le cas di l’assuré est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et s’il est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). Un assuré est apte au placement et disposé à accepter un travail convenable ou non. Dans le cas d’espèce, il a été considéré que la prise en charge des enfants par des tiers qui s’y étaient engagés, était garantie pour un taux d’occupation de 20% de l’assurée (TF 8C_486/2021 = DTA 4/2021 p. 417).

Assurance-chômage – Suspension du droit à l’indemnité

Art. 30 al. 1 let a LACI
Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute. Dans le cas d’espèce, une travailleuse a, suite à des agissements de mobbing, résilié son contrat de travail avec effet immédiat et a été placée en incapacité de travail. Le Tribunal fédéral a considéré qu’en raison du certificat médical établissant l’incapacité de travail et de l’obligation de l’employeur de continuer à verser son salaire, on pouvait attendre de l’employée qu’elle respecte le délai de résiliation de 3 mois. Comme elle a résilié le contrat de manière immédiate, la suspension provisoire du droit à l’indemnité par la caisse chômage était justifiée (TF 8C_99/2021 = DTA 4/2021 p. 420).

Assurance-chômage – Faute grave pour non-acceptation d’un travail convenable

Art. 30 al. 1 let d LACI et 45 al. 3 let c OACI
L’assuré est suspendu dans son droit à l’indemnité notamment s’il refuse un travail convenable. Selon l’art. 45 al. 3 let c OACI, la suspension dure de 31 à 60 jours en cas de faute grave. Dans le cas d’espèce, la faute grave est retenue contre un assuré qui ne postule pas à un emploi qui lui a été transmis par la caisse de chômage par courriel bien qu’il se soit engagé envers cette dernière à consulter ses courriels quotidiennement (TF 8C_283/2021 = DTA 4/2021 p. 424).

Mes litiges

PROCÉDURE CIVILE

Nomination et récusation d’un expert par un juge unique

Art. 50 al. 1, 124 al. 2, 154, 183 al. 1 CPC
Bien que les dispositions susmentionnées du code de procédure civile renvoient à la notion de tribunal, ils n’imposent pas que la nomination ou la récusation d’un expert soit prononcée par une autorité collégiale. Un juge délégué peut valablement se prononcer sur la nomination d’un expert et sur les motifs de récusation soulevés à son endroit. L’expert récusé doit être invité par le tribunal à se déterminer sur la demande de récusation, sauf si celle-ci apparaît d’emblée abusive ou manifestement infondée (TF 4A_155/2021 du 30 septembre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 183).

Sûretés en garantie des dépens – consorité simple

Art. 99 al. 1 et 2 et 71 CPC
Les demandeurs agissant en consorité simple (art. 71 CPC) – dont chacun remplit au moins l’une des conditions prévues à l’art. 99 al. 1 CPC – ne peuvent être astreints solidairement à fournir des sûretés en garantie des dépens. Le juge doit fixer le montant des sûretés individuellement pour chaque consort en fonction de la part des dépens qu’il pourrait être amené à supporter à l’issue du procès (TF 4A_497/2020 du 19 octobre 2021 = ATF 147 III 529).


ARBITRAGE

Révision d’une sentence arbitrale – Classement de la poursuite pénale

Art. 190a LDIP al. 1 let. b
L’article 190a al. 1 let. b LDIP dispose que la révision d’une sentence arbitrale peut être demandée si une procédure pénale établit que cette sentence a été influencée au préjudice du recourant par un crime ou un délit, même si aucune condamnation n’est intervenue. En l’occurrence, la décision sur laquelle se fondait la demande de révision ne concernait pas l’infraction qui aurait influencé la sentence arbitrale (soit le fait d’avoir manipulé des échantillons d’urine pour qu’ils apparaissent positifs dans le cadre d’une procédure antidopage), mais portait sur une autre infraction reprochée au recourant. Attendu que cette infraction n’avait pas de lien ni ne pouvait avoir d’influence sur la procédure d’arbitrage, le recourant ne pouvait s’en prévaloir comme motif de révision (TF 4A_210/2021 du 28 septembre 2021 = SJ 2022 n° 2 p. 91).


DROIT PÉNAL

Circulation routière – Etat de nécessité – Excès de vitesse

Art. 17 et 18 CP, 90 al. 2 LCR
L’état de nécessité pour justifier un excès de vitesse important ne peut être admis qu’avec une grande réserve, en principe uniquement lorsque la vie et l’intégrité d’une personne sont en jeu. Dans le cas d’espèce, le fait que l’épouse du conducteur se trouvait en proie à un état psychotique qui nécessitait selon lui que la plus proche aire de stationnement soit rejointe le plus rapidement possible pour éviter que cette dernière ne s’éjecte de la voiture, n’a pas été retenu comme comparable à la situation d’une personne en danger qui doit être conduite le plus rapidement possible à une structure médicale adaptée. De l’avis du tribunal, il aurait suffi, pour calmer l’épouse, de s’arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence. La décision d’accélérer du conducteur n’a pas permis d’éviter le danger pour les occupants de la voiture et les autres usagers de la route lié au fait que la passagère s’agitait à l’intérieur de l’habitacle. Etat de nécessité nié (TF 6B_729/2021 du 1er novembre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 190).

Lex mitior – amende et peine pécuniaire avec sursis

Art. 2 al. 2 CP
Lorsque la révision d’une loi a pour effet d’aggraver les peines pour des infractions données en les faisant passer du rang de contraventions à celui de délits ou de crimes (tel que ceci est le cas, dans le domaine de la législation sur les jeux d’argent, avec le passage de l’ancien art. 56 al. 1 let. a LMJ au nouvel art. 130 al. 1 let. a LJAr), la comparaison se fait entre deux peines de genre différent. Dans ce cas, l’amende doit être considérée comme plus clémente qu’une peine pécuniaire, même assortie du sursis. Ce n’est que si les peines principales sont de même genre qu’elles doivent être comparées en fonction de leur modalité d’exécution, justifiant l’application de l’ATF 134 IV 82 concluant qu’une peine pécuniaire avec sursis est plus clémente qu’une amende dans une telle constellation (TF 6B_536/2020 du 23 juin 2021 = ATF 147 IV 471).


PROCÉDURE PÉNALE

Preuve du respect du délai de recours par la production d’une vidéo

Art. 91 al. 2 CPP et 48 LTF
La date du dépôt d’un acte de procédure est présumée coïncider avec celle du sceau postal. La partie qui souhaite renverser cette présomption doit indiquer spontanément et avant l’échéance du délai de recours à l’autorité compétente avoir respecté le délai. La production d’un enregistrement vidéo peut, exceptionnellement et en l’absence d’indices permettant de soupçonner que l’enregistrement a été trafiqué, constituer un moyen de preuve apte à démontrer le dépôt du recours en temps utile (TF 6B_1247/2020 du 7 octobre 2021 = ATF 147 IV 526).


POURSUITES ET FAILLITES

Non-divulgation d’une poursuite – Effet du paiement de la dette

Art. 8a al. 3 LP
Lorsqu’un débiteur s’acquitte d’une dette après la notification du commandement de payer y relatif, il ne peut requérir la non-divulgation de cette poursuite aux tiers, en application de l’article 8a al. 3 LP (TF 5A_701/2020 du 23 juillet 2021 = SJ 2022 n° 2 p. 114).

Requête de non-communication de la poursuite aux tiers

Art. 8a al. 3 et 88 al. 2 LP
L’inaction du créancier pendant plus d’un an, de sorte que son droit de continuer la poursuite est périmé (art. 88 al. 2 LP), ne permet pas au poursuivi d’exiger la non-divulgation de la poursuite (art. 8a al. 3 let. d LP) – à tout le moins lorsque le créancier a effectué des démarches en vue de l’annulation de l’opposition dans les délais, mais que celles-ci n’ont pas abouti (TF 5A_927/2020 du 23 août 2021 = ATF 147 III 544).

Procédure de mainlevée – Exception de prescription

Art. 82 et 84 LP, 142 CO, 147ss et 253 CPC
La procédure de mainlevée peut être une procédure orale ou écrite, selon le choix du juge de la mainlevée. Lorsque le juge cite les parties à une audience, une partie ne peut déposer une détermination écrite et se dispenser de comparaître. Le débiteur doit soulever l’exception de prescription dans le procès, en la forme et au stade définis par le droit procédural. Dans le cas d’espèce, le débiteur s’est contenté de produire des pièces attestant selon lui qui que la créance en poursuite était prescrite selon le droit français. Faute d’avoir expressément soulevé ce moyen il n’appartenait pas au juge de la mainlevée de soulever l’exception de prescription que le débiteur aurait pu faire valoir s’il s’était présenté à l’audience. C’est à bon droit que le juge a prononcé la mainlevée de l’opposition du débiteur (TF 5A_256/2020 du 8 novembre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 206).

Caractère insaisissable de biens séquestrés – Compétence pour en en juger

Art. 17 et 92 LP
Le grief d’insaisissabilité des biens séquestrés doit être soulevé au moyen de la plainte de l’article 17 LP. En l’espèce le recourant dont les biens ont été séquestrés avait soulevé ce moyen dans le cadre d’une opposition au séquestre. L’autorité cantonale saisie de cette opposition s’est, à bon droit selon le Tribunal fédéral, déclarée incompétente pour connaître du moyen tiré de l’insaisissabilité des biens séquestrés (TF 5A_802/2021 du 25 octobre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 200).

Séquestre – Propriété du débiteur sur des biens séquestrés

Art. 271 al. 1 ch. 6 et 272 LP, 33 ch. 1 CL
Lorsque le cas de séquestre est un titre exécutoire au sens de l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP, en l’espèce une jugement anglais entré en force contre le débiteur, il n’est pas nécessaire que ce titre porte également sur la propriété contestée des biens. La propriété du débiteur sur les biens séquestrés répond à l’exigence de vraisemblance de l’article 272 LP. Un transfert de fonds non justifiés du compte du débiteur au compte de son épouse suffit à rendre vraisemblable que ces fonds appartiennent au débiteur. Il n’est pas nécessaire que le juge du séquestre examine dans le détail la propriété des avoirs résultant de chaque transfert (TF 5A_480/2021 du 28 octobre 2021 = SJ 2022 n° 3 p. 201).

Procédure de séquestre – Principe de transparence

Art. 271 al. 1 LP, 2 al. 2 CC, 9 et 29 al. 2 Cst
Par exception à l’art. 271 al. 1 LP, qui prévoit que seuls les choses et droits qui appartiennent au débiteur peuvent être frappés par un séquestre, les biens appartenant à un tiers peuvent être séquestrés en cas d’identité économique entre le tiers et le débiteur, en application du principe de la transparence. Il faut toutefois que la dualité résultant par exemple de la création d’une personne morale distincte de la personne physique du sociétaire relève de l’abus de droit, c’est-à-dire que cette personne morale n’ait été créée qu’afin de pouvoir se prévaloir de la dualité des patrimoines de la première et du second, dans le but avéré de ne pas remplir ses obligations légales ou contractuelles (TF 5A_10/2021 du 1er juillet 2021 = SJ 2022 n° 2 p. 102).


DROIT FISCAL

Exonération fiscale temporaire d’une société – Transfert de siège – Révocation de l’exonération pour non-respect des conditions

Art. 23 al. 3 et 53 LHID et 91 LI/VD
Lorsqu’une société est au bénéfice d’une décision d’exonération fiscale temporaire, prévoyant qu’elle est exonérée de tout ou partie de l’impôt pendant une période de 10 ans, à la condition qu’elle maintienne son siège dans le canton pendant les 10 années qui suivent la fin de la période d’exonération,  l’autorité cantonale peut légitimement réclamer la récupération de l’impôt non payé si la société bénéficiaire ne respecte pas ses engagements en quittant le territoire cantonal prématurément à ce qui a été convenu. L’allégement fiscal consenti repose sur un contrat de droit administratif passé entre l’Etat et la société bénéficiaire et contient une clause de « claw back », qui permet de réclamer rétroactivement le paiement de tous les impôts exonérés si la société bénéficiaire ne respecte pas les conditions auxquelles ladite exonération est soumise. Dans une telle hypothèse, il est possible de réclamer des impôts exonérés 20 ans auparavant, car l’allégement fiscal consenti repose sur une base contractuelle claire. Il est arbitraire de vouloir, comme l’a fait le tribunal cantonal vaudois, appliquer la prescription décennale relative au rappel d’impôts prévue par la législation cantonale, qui n’est pas applicable à une situation entièrement définie par un contrat de droit administratif. (TF 2C_141/2020 / 2C_245/2021 du 3 décembre 2021 = ATF 147 II 454).

Indemnité de départ versée lors d’une retraite anticipée – Lacune de prévoyance

Art. 17 al. 2 LIFD
Pour que des versements de capitaux effectués par l’employeur puissent être considérés sur le plan fiscal comme des prestations de prévoyance, il faut cumulativement réunir les conditions de l’âge de l’employé, de l’abandon de l’activité et être en présence d’une lacune de prévoyance découlant du départ de l’entreprise et de son institution de prévoyance, pour la période comprise entre la sortie de l’institution de prévoyance et le moment de l’âge ordinaire de la retraite. Après déduction de la lacune de prévoyance ainsi arrêtée, le solde de l’indemnité de départ est ajouté aux autre revenus de l’employé sortant et soumis  à l’impôt ordinaire (TC FB du 28 juin 2021 = RDA n° 6 2021 p. 709).

Rappel d’impôts – Faits nouveaux – Devoir du contribuable et de l’autorité fiscale

Art. 53 al. 1 LHID et 151 al. 1 LIFD
Seuls sont nouveaux les faits ou les moyens de preuve qui ne se trouvaient pas dans les dossiers de l’autorité fiscale au moment où l’imposition ordinaire a été effectuée. Lorsqu’elle reçoit de tels éléments juste avant l’atteinte de la prescription du droit de taxer (ici un 28 décembre), l’autorité fiscale ne peut se contenter de se prévaloir d’un fait nouveau pour ouvrir ultérieurement une procédure de rappel d’impôt. Il est nécessaire qu’elle mette en œuvre des moyens particuliers propres à interrompre la prescription, ceci même si le contribuable a failli à ses devoirs de déclaration (TF 2C_263/2018 = RDA n° 6 2021 p. 685).