N°06/2023

photo

Expertise du Service juridique

Le service juridique de la FVE a relancé les cycles de conférences 5 à 7 destinées aux entrepreneurs, lesquelles avaient dû être interrompues durant la période du Covid.

L’idée de cette démarche est de proposer aux entrepreneurs des conférences trimestrielles portant sur des aspects juridiques de leur métier, dans le but d’attirer leur attention sur les pièges qui peuvent jalonner leur pratique professionnelle et développer des réflexes de base qui pourraient permettre de prévenir la survenance de situations conflictuelles.

En date du vendredi 30 juin 2023, une conférence sur le thème du recouvrement, des poursuites et de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, ainsi que sur les trucs et astuces de l’entrepreneur abordera de façon globale différents aspects pratiques auxquels l’entrepreneur peut être confronté lorsque sa son rapport contractuel avec le maître d’ouvrage devient litigieux. L’objectif de cette conférence est de rappeler à l’entrepreneur les réflexes qu’il doit avoir à l’esprit lorsqu’il peine à obtenir le paiement des prestations qu’il a fournies, mais aussi à anticiper et prévenir de telles situations en vouant une attention particulière aux éléments que le contrat qui le lie au maître d’ouvrage devrait contenir.

Me Albert von Braun, titulaire du brevet d’avocat et chef de groupe au Service juridique de la FVE, effectuera cette présentation, soutenue par un support que les inscrits pourront obtenir. Ces derniers auront la possibilité de soumettre ultérieurement et par écrit au service juridique toute question plus pointue que la présentation pourrait susciter.

Voir les prochaines formations et conférences du Service juridique

 

S’abonner aux chroniques par email

Mes affaires

Contrat de bail

Bail à loyer – Frais accessoires – Frais de consommation

Art. 257a et 257b CO
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral précise les contours des différentes catégories de frais et leur traitement en droit du bail :

Les frais accessoires en rapport avec l’usage d’une chose ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement, comme dans un contrat de bail à loyer par exemple. A défaut de convention, les frais accessoires sont réputés compris dans le loyer. La convention sur les frais accessoires n’est soumise à aucune exigence de forme et peut être conclue par écrit ou par oral, voire résulter des circonstances: il en va ainsi de la mise à disposition d’une machine à laver fonctionnant avec une carte prépayée ou de la monnaie.

Les frais dits de consommation sont quant à eux générés exclusivement par le locataire pour ses propres besoins, tels que sa consommation d’électricité: de tels frais sont en principe toujours assumés par le locataire.

S’interrogeant sur la nature des frais de gaz relatifs à la propre installation de chauffage et d’eau chaude des locataires, lesquels se sont toujours acquittés des frais directement auprès du fournisseur, le Tribunal fédéral considère qu’ils constituent des frais de consommation: ils échappent donc à la réglementation sur les frais accessoires et peuvent valablement faire l’objet d’une convention implicite qui les met à la charge des locataires (TF 4A_305/2022 du 3 novembre 2022).

Mes collaborateurs

Contrat de travail

Fonction publique – Validité d’une convention de fin de rapports de service – Contrat de droit administratif

Art. 29 al. 2 Cst et LPers
Une convention par laquelle l’employeur public (la Confédération, un canton ou une commune) et l’employé mettent fin d’un commun accord aux rapports de travail est un contrat de droit administratif.

Pour qu’un tel contrat soit valable, il faut, d’une part, une volonté commune des parties de mettre fin aux rapports de travail et, d’autre part, dans la mesure où le contrat implique une renonciation du travailleur à des prétentions (existantes) de droit impératif, qu’il s’agisse d’une véritable transaction, comprenant des concessions réciproques d’importance comparable de la part de chaque partie (TF 8C_176/2022 du 21 septembre 2022).

Incapacité de travail – Preuve de la maladie – Certificat de travail

Art. 324 a CO et 8 CC
Il incombe au travailleur malade de prouver son incapacité de travail, notamment par la production en temps utile d’un certificat médical probant. Le fait que le certificat médical produit par le salarié date de trois semaines après le début de son absence et soit signé de son médecin de famille ne suffit pas nécessairement à renverser la preuve de sa maladie.

Dans le cas d’espèce, d’autres éléments corroboraient l’idée que l’employeuse avait reconnu l’existence de cette maladie, notamment une correspondance avec une autre employée et la réaction de l’assureur perte de gain maladie à qui l’annonce du cas maladie avait été effectuée par l’employeur. Le fait que le salarié avait au début évoqué la prise de jours de vacances en même temps que la maladie n’est pas pertinent pour remettre en question l’existence de la maladie que l’employeur paraissait admettre dans sa gestion du cas (TF 4A_159/2023 du 11 avril 2023).

Heures supplémentaires – Abus de droit

Art. 321c CO et 2 CC
Dans cette affaire le Tribunal fédéral confirme que la cour cantonale dont la décision fait l’objet d’un recours a à bon droit rejeté les prétentions en paiement des heures supplémentaires, y compris les 60 premières heures au-delà du maximum légal de l’art. 9 LTr, mais a alloué à l’employé ses prétentions en paiement du travail supplémentaire:

  • S’agissant de sa prétention en paiement d’heures supplémentaires exercée après la fin des rapports de travail, le Tribunal fédéral retient en l’espèce qu’elle était abusive, dans la mesure où par son attitude l’employé a laissé croire, pendant la durée du contrat, qu’il renonçait à la rémunération spécifique des heures supplémentaires et acceptait une rétribution forfaitaire, ce qui a amené l’employeuse à lui accorder plusieurs augmentations de salaire substantielles
  • S’agissant de sa prétention en paiement du travail supplémentaire, la loi stipule que l’employé ne peut pas renoncer à son indemnisation prévue à l’art. 13 al. 1 LTr, de sorte que ce pan des prétentions du travailleur a été admis.

Cette affaire rappelle aussi la vigilance dont doit faire preuve l’employeur lorsqu’il dresse les fiches de salaire et son obligation de distinguer clairement, sous sa responsabilité, les différents types de rémunération qu’il sert à l’employé.

Dans le cas d’espèce, faute d’avoir indiqué sur les fiches de salaire la part afférente aux heures de travail supplémentaires, l’employeur ne pouvait pas avoir rempli son obligation légale de payer le travail supplémentaire, y compris avec un supplément de salaire de 25%. Le silence opposé par l’employé aux différentes augmentations de salaire qu’il a obtenues ne peut justifier que l’employé a renoncé au paiement de son travail supplémentaire. Dans ce contexte, il n’était pas abusif de la part de l’employé de réclamer, à la fin des rapports de travail, l’indemnisation du travail supplémentaire qu’il avait effectué (TF 4A_304/2021 du 10 mars 2023). 

Congé abusif – Opposition

Art. 336 b CO
Le Tribunal fédérale rappelle que l’opposition qu’il incombe à l’employé de faire à son licenciement selon l’art. 336CO a pour but de permettre à l’employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif. Cette opposition tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus.

Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l’indemnité pour licenciement abusif s’éteint si le travailleur refuse l’offre formulée par l’employeur de retirer la résiliation. Dans le cas d’espèce, il n’y avait pas d’opposition à proprement parler, dans la mesure où le travailleur s’en était pris uniquement à la motivation de la résiliation, en ne contestant que les motifs invoqués dans la lettre de congé, mais sans discuter la fin des rapports de travail en tant que telle.

La nécessité de respecter le délai dans lequel faire opposition en temps utile selon l’art. 336b CO demeure, même lorsque l’issue de discussions avec l’employeur paraît illusoire compte tenu de son attitude  (TF 4A_59/2023 du 28 mars 2023).

Protection de la personnalité – Harcèlement sexuel – Devoir de diligence – Enquête interne

Art. 328 et 336 CO, 4 et 5 LEg
Le fait de toucher les fesses d’une personne sans son consentement constitue un attouchement objectivement constitutif de harcèlement sexuel. Si l’employeur prouve qu’il a rempli son devoir de diligence, il ne peut être condamné au versement de l’indemnité prévue par l’art. 5 LEg.

En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que la banque employeuse n’a pas prouvé avoir rempli son devoir de diligence, car:

  • elle disposait certes d’outils pour dénoncer les cas de harcèlement sexuel, mais leur mode d’utilisation n’était pas maîtrisé, voire même était méconnu du personnel, la présentation aux employés n’étant que très superficielle ; les responsables hiérarchiques de la banque méconnaissaient manifestement la procédure interne à suivre dans le cas d’une dénonciation pour harcèlement sexuel ;
  • elle a imposé à la salariée une confrontation avec son agresseur, séance tenante, alors qu’il n’y avait pas d’urgence manifeste à ce que l’entretien se déroulât le jour même et compte tenu de l’état dans lequel se trouvait la travailleuse, qui pleurait et avait dû prendre un moment pour se ressaisir. Alors qu’elle était par ailleurs la seule femme parmi trois hommes dans la salle, le responsable des ressources humaines, qui ne lui avait pas proposé la présence d’une femme, a maintenu cette confrontation, soutenant lors de son audition que « ce n’était pas non plus une tragédie » ;
  • l’enquête interne avait été menée avec peu de sérieux : elle s’était déroulée sur seulement 19 jours ; toutes les auditions sauf une avaient été conduites par une seule personne et aucun procès-verbal d’audition n’avait été tenu.

En admettant que le congé était intervenu pour rupture du lien de confiance à la suite de la plainte de la travailleuse pour harcèlement sexuel, l’employeuse avait confirmé le lien direct entre le licenciement et la plainte, de sorte que le congé était abusif (TF 4A_3283/2022 du 15 mars 2023).


Assurance Invalidité

Mesures médicales de réadaptation Traitement de durée indéterminée

Art. 12 LAI
Le Tribunal fédéral confirme que les mesures médicales de réadaptation doivent notamment permettre d’atteindre un résultat certain dans un laps de temps déterminé.

En l’espèce, l’enfant est âgé de moins de dix ans et il ressort des constats médicaux que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie devront se poursuivre jusqu’à la fin de sa croissance et de son développement, soit au-delà de sa majorité, sans aucune autre précision quant à la durée du traitement.

En conséquence, le droit à la prise en charge de ces traitements par l’AI doit être nié, quand bien même l’enfant bénéficie d’une API (Allocation pour impotent) et quand bien même les traitements lui seraient profitables. La notion de pronostic favorable n’a ici pas à être investiguée (TF 9C_510/2022 du 30 mars 2023).


Assurance Accident

Rente d’invalidité – Transaction – Reconsidération

Art. 22 LAA, 25 al. 2, 50 al. 1 et 53 al. 2 LPGA
Une puéricultrice, née en 1951, a été mise au bénéfice d’une IPAI (Indemnité pour atteinte à l’intégrité) de 25 % et d’une rente LAA de 25 % pour les suites de deux accidents de type « coup du lapin » survenus en 1994 et 1997, ce par décision-transaction du 30 septembre 2002. 18 ans plus tard, par décision d’octobre 2020, l’assureur LAA veut reconsidérer cette décision-transaction et supprimer l’IPAI accordée, ainsi que la rente d’invalidité.

Le TF rappelle que les exigences sont plus grandes pour une application de la reconsidération telle que prévue à l’art. 53 al.2 LPGA lorsqu’il s’agit d’une décision prise sous la forme d’une transaction. Cela étant :

  • Pour ce qui est tout d’abord de l’IPAI, celle-ci ne peut de toute manière pas être concernée par une reconsidération, en l’espèce, en raison de l’application de l’art. 25 al. 2 LPGA qui prévoit un droit d’exiger la restitution se prescrivant au plus tard cinq ansaprès le versement de la prestation indue. Ainsi, l’IPAI est de toute manière exclue du champ de la reconsidération pour ce seul motif.
  • Pour ce qui est de la rente d’invalidité LAA, le TF confirme que la décision initiale se basait sur une fausse application du droit et qu’elle était sans nul doute manifestement erronée, au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA.A cela ne change rien le fait qu’elle ait été prise sous forme de transaction, malgré une pesée des intérêts différente, selon les principes précédemment rappelés par le TF. Il y a donc bel et bien matière à reconsidérer la rente d’invalidité.

Tout en rejetant le recours de l’assurée, le TF critique cependant l’attitude de l’assureur-accidents ayant supprimé cette rente d’invalidité après l’avoir versée sans sourciller durant 20 ans et lui conseille une façon plus réfléchie de s’y prendre (TF 8C 616/2022 du 15 mars 2023).


Perte de gain en lien avec le coronavirus

Indemnités – Télétravail  

Art. 15 de la loi fédérale COVID-19
La recommandation du de télétravail du Conseil fédéral, maintenue après la levée de l’obligation de télétravail, constitue une mesure de lutte contre l’épidémie de Covid-19 ordonnée par une autorité. Une personne exerçant une activité lucrative indépendante qui subit une perte significative de son chiffre d’affaires en raison de l’application de cette recommandation (télétravail des employé) par un employeur auquel elle est liée par un accord contractuel peut prétendre à l’indemnisation de cette perte de gain.

Le Tribunal fédéral considère en effet qu’en raison de la collaboration spécifiquement prévue par l’intéressée et l’employeur, il existe un lien de causalité suffisant entre la recommandation, sa mise en œuvre par l’employeur et la diminution de revenus invoquée (TF 9C 643/2021 du 17 janvier 2023).

Mes litiges

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Montant des sûretés pour empêcher l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Art. 839 al. 3 CC
Le propriétaire foncier peut fournir des sûretés suffisantes pour empêcher l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur son bien immobilier. Les sûretés sont suffisantes si elles offrent qualitativement et quantitativement la même couverture que l’hypothèque des artisans et entrepreneurs. En d’autres termes, ces sûretés doivent garantir pleinement la créance pour le capital et les intérêts moratoires, ainsi que pour les intérêts contractuels.

Dans le cas d’espèce, l’entreprise titulaire de la créance soutient que les sûretés offertes sont insuffisantes, parce qu’elles ne couvrent que 10 années d’intérêts moratoires sur la créance principale, plutôt que de les garantir de manière illimitée. Le Tribunal fédéral rappelle que le caractère suffisant ou non des sûretés est une question d’appréciation. En l’occurrence, il retient que l’autorité cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire en retenant que les sûretés, couvrant 10 ans d’intérêts moratoires sur la créance, devaient être tenus pour suffisantes (TF 5A_323/2022 du 27 octobre 2022).


Poursuite et faillite

For de la poursuite contre une succession

Art. 46, 49 et 59 al. 1 LP
Une succession non partagée peut faire l’objet de poursuites. Lorsqu’elle est représentée par un exécuteur testamentaire, le Tribunal fédéral rappelle qu’elle doit être poursuivie au for de l’article 49 LP, c’est-à-dire au lieu où le défunt pouvait lui-même être poursuivi à l’époque de son décès, et non au domicile de l’exécuteur testamentaire (TF 5A_638/2018 du 10 février 2020).