N°07/2023

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Expertise du Service juridique

Dans un arrêt du 14 juin 2023, consultable sous la référence 2C_928/2022 14.06.2023 – Tribunal fédéral (bger.ch), Me Equey, Directeur suppléant de la FVE et Chef du service juridique, est à nouveau cité par le Tribunal fédéral dans la résolution d’une affaire soulevant la question épineuse de la récusation d’un membre de la Municipalité, lorsqu’il a un intérêt personnel dans une décision que doit prendre la commune.

La FVE se réjouit du crédit une nouvelle fois porté par le Tribunal fédéral aux contributions doctrinales de Me Equey. Cette jurisprudence met en évidence l’expertise des membres du service juridique.

Le service juridique de la FVE a proposé en date du 30 juin 2023 une présentation 5 à 7 portant sur les mécanismes à disposition de l’entrepreneur pour obtenir le recouvrement de ses factures impayées. Avec plus de 70 inscriptions, cette conférence a suscité un intérêt réjouissant. Une prochaine conférence par Me Equey et portant sur le contrat d’entreprise et la norme SIA, aura lieu le jeudi 28 septembre 2023. Les inscriptions sont déjà ouvertes sous le lien suivant: Formation – Contrat d’entreprise et Normes SIA

 

La décision du mois

Marchés publics – notion de contrat-cadre et appels d’offres subséquents de type « Mini-tender »

Dans un arrêt du 18 octobre 2021, le Tribunal administratif fédéral tranche un litige de droit des marchés publics portant notamment sur la notion de contrat-cadre définie par le nouveau droit des marchés publics à l’article 25 alinéa 5 LMP.

Cette disposition permet au pouvoir adjudicateur de lancer un appel d’offre portant sur des contrats qui seront conclus avec un ou plusieurs soumissionnaires et qui ont pour objet de fixer les conditions auxquelles les prestations requises seront acquises au cours d’une période donnée (au maximum 5 ans), notamment en ce qui concerne le prix et, le cas échéant, les quantités envisagées.

La loi permet aussi la conclusion de contrats-cadres avec plusieurs soumissionnaires à la fois. Cette procédure «d’appel d’offres dans l’appel d’offres» doit toutefois être menée avec une transparence accrue, en indiquant en particulier les critères d’adjudication subséquents déjà dans l’appel d’offres initial. La procédure exacte de cette adjudication subséquente doit également être décrite avec précision.

Jurisprudence – Mise à jour le 31 juillet 2023

 

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Mes projets

Aménagement du territoire

Dérogation d’un plan d’affectation spécial (plan de quartier) à la réglementation fondamentale

Art. 2 al. 1 LAT
Des dérogations trop importantes d’un plan d’affectation spécial à la réglementation fondamentale sont contraires à l’obligation de planifier et à la planification par étapes définie par l’article 2 al. 1 LAT.

L’admissibilité d’une dérogation doit être évaluée de manière plus stricte lorsque celle-ci bénéficie d’une assise démocratique moins importante que la réglementation fondamentale. Tel est le cas du plan de quartier qui devait être évalué dans le cas d’espèce et sur lequel le TF a dû statuer en dernière instance.

Dans ce cas particulier, le plan de quartier incriminé prévoyait une dérogation au plan global d’affectation que le TF a jugé trop importante. Elle consistait en le doublement, voire le triplement de la longueur maximale des bâtiments prévue par la réglementation fondamentale. La dérogation est si massive que l’article 2 al. 2 LAT s’en trouve violé. Elle ne saurait donc être admise (TF 1C_398/2021 du 8 novembre 2022).


Droit des marchés publics

Nullité de l’appel d’offres et de l’adjudication – Vice grave quant au fond – Procédure «Mini-tender»

Art. 5 PA, art. 25 LMP, 29 let. a et b aLMP et art. 16a al. 1er a OMP
Cette affaire porte sur un appel d’offres public de l’Office fédéral des constructions et de la logistique pour un mandat de prestation portant sur la fourniture de services cloud publics. Evincées, la soumissionnaire Google Commerce Ltd recourt au Tribunal administratif fédéral, et conclut à la nullité de l’ensemble des adjudications et au renvoi du dossier au pouvoir adjudicataire pour qu’une procédure conforme soit suivi ab initio. A l’appui de son recours, Google Commerce Ltd fait valoir que l’appel d’offres dans la forme choisie par l’adjudicateur lui permettrait d’attribuer librement au cours des 5 prochaines années des mandats d’une valeur atteignant jusqu’à 110 millions de francs, ce qui lui permet de contourner gravement les principes essentiels de droit des marchés publics. Le TAF rejette cette argumentation et le recours, et saisit l’occasion de rappeler au praticien un certain nombre de principes du droit des marchés publics :

  • Tant l’appel d’offres que la décision d’adjudication doivent être qualifiés de décisions.
  • Une décision administrative viciée est en principe annulable, la nullité n’étant constatée que dans des situations exceptionnelles. Le dépassement du seuil permettant de constater la nullité pour vice grave quant au fond doit être admis avec une grande retenue lorsqu’il s’agit de la justifier sur la base de la violation des principes découlant du droit constitutionnel économique.
  • Une description des prestations qui soit suffisamment précise et ne couvre pas de trop grandes parts de marché constitue un élément des plus pertinents au regard du principe de transparence et de l’objectif de concurrence efficace. Ici, contrairement à ce que soutient la recourante, il n’y pas une imprécision telle qu’elle puisse conduire à un constat de nullité des décisions d’adjudication.
  • La procédure d’appel entre les soumissionnaires sélectionnés aurait certes pu être contestée dans le délai de recours contre l’appel d’offres, mais le fait que l’ancien droit applicable excluait une telle protection juridique ne saurait entrainer la nullité de l’ensemble de l’appel d’offres

Cet arrêt porte également sur les contours de la notion de contrat-cadre définie par le nouveau droit des marchés publics à l’article 25 alinéa 5 LMP. Cette disposition, qui formalise un outil qui était déjà largement utilisé dans la pratique, permet au pouvoir adjudicateur de lancer un appel d’offre portant sur des contrats qui seront conclus avec un ou plusieurs soumissionnaires et qui ont pour objet de fixer les conditions auxquelles les prestations requises seront acquises au cours d’une période donnée (au maximum 5 ans), notamment en ce qui concerne le prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. Le contrat-cadre permet donc au pouvoir adjudicateur de garantir des conditions financières à venir, pour l’acquisition de prestations ou fournitures dont le besoin exact n’est pas encore connu. Ces acquisitions se feront au moyen de contrat subséquents, conclus en référence et aux conditions du contrat-cadre, mais aucun nouvel appel d’offre n’est nécessaire lors de ces acquisitions. Afin de garantir le respect du principe de transparence, mais aussi pour garantir précisément une saine concurrence, il convient de fixer des quantités maximales d’acquisition. Cela permettra d’identifier de manière claire la valeur du marché.

Dans une majorité de cas, le contrat-cadre est destiné à être conclu avec un seul soumissionnaire. La loi permet toutefois aussi la conclusion de contrats-cadres avec plusieurs soumissionnaires à la fois. Cela signifie que pour un même cahier des charges, le pouvoir adjudicateur conclut un contrat-cadre séparé avec chaque soumissionnaire retenu, en les invitant à soumettre une nouvelle offre pour le contrat subséquent concerné. Ce contrat sera alors conclu avec le soumissionnaire qui présente la meilleure offre, fondée sur des critères d’adjudication « subséquents » (art. 25 al. 5 let. d LMP/AIMP). Cette procédure « d’appel d’offres dans l’appel d’offres » doit toutefois être menée avec une transparence accrue, en indiquant en particulier les critères d’adjudication subséquents déjà dans l’appel d’offres initial. La procédure exacte de cette adjudication subséquente doit également être décrite avec précision.

Dans le cas d’espèce, la recourante se plaignait que le pouvoir adjudicateur ait renoncé à demander des offres dans le cadre d’une procédure d’adjudication de type « mini-tender » subséquente au contrat cadre. Le TAF retient qu’il ne s’agit pas là d’un motif de nullité, tant que cette procédure prévoit au moins une comparaison des données fournies par les soumissionnaires, ce qui était le cas en l’espèce (Arrêt du Tribunal administratif fédéral TAF 2021 IV/6 – B3238/2021 du 18 octobre 2021).

Mes collaborateurs

Contrat de travail

Clause de prohibition de concurrence – Connaissance de la clientèle

Art. 340 al. 2 CO
Dans cet arrêt le Tribunal fédéral traite des conditions de validité d’une clause de prohibition de concurrence fondée sur la seule connaissance de la clientèle. L’affaire porte sur le cas d’un travailleur qui a œuvré pendant plus de 30 ans au sein de sociétés fiduciaires dont il même pour certaines été administrateur. Invité à démissionner, le travail a également été enjoint de ne pas faire concurrence à son employeur en conservant certains clients, au risque de violer une clause de non-concurrence de son contrat de travail.

Le Tribunal fédéral rappelle d’abord que la prohibition de concurrence n’est valable que si les rapports de travail ont permis au travailleur d’avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur. L’utilisation de ces renseignements doit, en outre, être de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible (art. 340 al. 2 CO). Il faut donc un lien de causalité naturelle et adéquate entre la connaissance des informations et le préjudice sensible qui peut être potentiellement causé à l’employeur. Ainsi, une clause de prohibition de concurrence fondée sur la seule connaissance de la clientèle ne peut se justifier que si l’employé, grâce à sa connaissance des clients réguliers et de leurs habitudes, peut facilement leur proposer des prestations analogues à celles de l’employeur et ainsi les détourner de celui-ci.

Selon le Tribunal fédéral, on ne se trouve pas dans une telle situation lorsque l’employé a noué un rapport personnel avec le client en lui fournissant des prestations qui dépendent essentiellement de ses propres capacités. Dans de telles situations, on doit admettre que le client attache de l’importance à la personne de l’employé dont il apprécie la personnalité et les capacités personnelles et pour lequel il éprouve de la confiance et de la sympathie. Si le client se détourne alors de l’employeur, le préjudice supporté par ce dernier ne résulte pas simplement de la connaissance de la clientèle. Dans une telle situation, caractérisée par la forte composante personnelle de la prestation de l’employé, une prohibition de concurrence fondée sur la connaissance de la clientèle est exclue, faute de tout lien de causalité entre cette dernière et le préjudice que peut potentiellement subir l’employeur.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’il a notamment admis que tel était le cas pour un dentiste et un gestionnaire de fortune. Il souligne toutefois qu’il n’existe aucune profession pour laquelle une interdiction de concurrence fondée sur la connaissance de la clientèle est absolument et dans tous les cas exclue. Cela vaut tant pour les conseillers fiscaux que pour les professions libérales. S’agissant de ces dernières, le Tribunal fédéral estime que l’on peut tout au plus considérer que la facette personnelle de la relation au client revêt une importance toute particulière. Ainsi, déterminer si l’on se trouve dans une telle situation dépendra dans tous les cas des circonstances particulières du cas d’espèce.

En l’espèce, le Tribunal fédéral a dénié toute validité à la clause de prohibition de concurrence en se fondant d’abord sur la nature des prestations que l’employé fournissait aux clients (tâches dépassant le simple bouclement de la comptabilité et l’établissement de déclarations d’impôts et qui dépendaient donc essentiellement des propres capacités professionnelles de l’employé). Il a ensuite relevé que l’employé entretenait un lien de confiance particulier avec certains clients dont il s’occupait de manière relativement indépendante depuis de nombreuses années. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal fédéral a jugé que la cour cantonale avait admis à bon droit que la clause de prohibition de concurrence n’était pas valable sur le principe faute de tout lien de causalité entre la connaissance de la clientèle acquise auprès de l’employeur et le préjudice pouvant être causé à ce dernier (TF 4A_205/2021 du 20 décembre 2021).


Assurance chômage

Aptitude au placement – Obligation de diminuer le dommage – Personne en formation

Art. 8 et 15 LACI
Dans cet arrêt, le TF est amené à examiner l’aptitude au placement d’un assuré suivant une formation universitaire.

Lorsqu’un assuré participe à un cours de formation durant la période de chômage, il doit, pour être reconnu apte au placement, être objectivement disposé à y mettre un terme du jour au lendemain afin de pouvoir débuter une nouvelle activité. La disponibilité d’un assuré à l’exercice d’un emploi salarié et au suivi d’une mesure du marché du travail s’examine d’après toutes les circonstances concrètes, en tenant compte du caractère vraisemblable de la possibilité d’interrompre la formation dans de brefs délais et de la volonté de l’assuré de le faire.

Le devoir de diminuer le dommage à l’assurance-chômage oblige l’assuré qui fait valoir des prestations à élargir le champ de ses recherches d’emploi à d’autres activités que celles exercées précédemment et à accepter en règle générale immédiatement tout travail convenable.

Dans le cas d’espèce, le TF confirme l’appréciation de la cour cantonale, laquelle a retenu une aptitude de placement de 60%, sur la base de la grille horaire des cours de la formation, et en déduisant des affirmations d’un étudiant qu’il n’aurait pas été prêt à interrompre sa longue formation à bref délai. En effet, à l’examen de l’ensemble des circonstances liées à la formation universitaire suivie par le recourant, il a été jugé inconcevable que celui-ci trouve un emploi à un taux de 100 %, voire 75 %, ni qu’un employeur s’accommode des horaires imposés par sa formation (TF 8C_57/2023 du 17 avril 2023).

Indemnité pour insolvabilité – Personne dirigeante

Art. 31 al. 3 let. c et 51 al. 2 LACI
L’art. 51 al. 2 LACI limite le droit à l’indemnité pour cause d’insolvabilité des personnes jouissant d’une position dirigeante de fait ou de droit dans une entreprise. Ici il convient d’appliquer les mêmes principes et la même jurisprudence qu’en matière d’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (art. 31 al. 3 let. c LACI).

Si la personne concernée a une position dirigeante de par la loi (par ex. : associée d’une Sàrl, membre du conseil d’administration d’une SA), elle fait d’emblée partie des personnes qui sont exclues du cercle des ayants droit aux indemnités susmentionnées. Lorsque la personne concernée ne jouit pas d’une telle position, il faut prendre en compte la structure interne de l’entreprise. Ainsi, ce n’est pas parce que l’employé ne dispose d’aucune signature qu’il ne dispose pas d’un certain pouvoir décisionnel et influent.

En l’espèce, le TF renverse un arrêt cantonal zurichois, car l’employé était gérant, certes sans pouvoir de signature. Il avait toutefois une influence effective et importante sur la marche de l’entreprise. Dans ces conditions, le droit à une indemnité pour insolvabilité n’est pas ouvert (TF 8C_689/2022 du 02 mai 2023).

Mes litiges

Droit fiscal

Frais d’entretien d’immeubles – déduction des frais de remise en état « d’une nouvelle construction d’un point de vue économique

Art. 32 al. 2 LIFD
Selon l’article 32 al. 2 LIFD, les frais d’entretien comprennent notamment les frais de remise en état d’immeubles acquis récemment (abrogation de la pratique dite Dumon). Les coûts des travaux d’un assainissement complet ou d’une transformation ou d’une extension complète (« nouvelle construction du point de vue économique ») sont déductibles en tant que frais de remise en état, dans la mesure où ils ont pour but, d’un point de vue dit technique objectif, de rétablir un état antérieur de l’immeuble, c’est-à-dire d’en préserver la valeur (TF 9C_677/2021 du 23 février 2023).

Conversion du revenu du travail d’un frontalier – Absence de discrimination

Art. 40 al. 3 LIFD – Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP)
Une personne qui résidait en Suisse qui quitte son domicile dans ce pays et qui commence ultérieurement, durant la même période fiscale, une nouvelle activité en Suisse en tant que frontalier, peut demander une taxation ordinaire des revenus en provenance de Suisse, pour autant qu’elle en remplisse les conditions fixées par la pratique.

Pour le calcul du taux, les revenus doivent être convertis pour la période fiscale inférieur à une année sur douze mois, conformément à l’article 40 al. 3 LIFD. Le TF confirme qu’une telle manière de faire ne constitue pas une discrimination contraire à l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne (TF 2C_977/2020 du 6 mai 2022).


Droit pénal

Condition objective de punissabilité en cas d’infractions en matière de faillite – Carence dans l’organisation de la société

Art. 163 à 167 CP et art. 731b al. 1bis ch. 3 CO
En mai 2019, plusieurs sociétés ont déposé plainte pénale contre D et se sont constituées parties plaignantes aux motifs qu’il aurait réalisé plusieurs infractions contre le patrimoine en lien avec son statut d’administrateur au sein d’une société anonyme, notamment des faux et une faillite frauduleuse (art. 163 CP). La procédure à l’encontre de D est finalement classée en octobre 2020. La plainte est rejetée au motif que les conditions objectives d’application des dispositions du code pénal réprimant des infractions dans la faillite ne sont pas réunies. Le TF, saisi d’un recours, doit trancher cette même question.

En tant qu’il prévoit de mettre fin à l’existence d’une société dont seules les carences organisationnelles ont provoqué sa dissolution et sa liquidation subséquente, l’article 731b al. 1bis ch. 3 CO ne constitue pas un motif matériel d’ouverture de faillite. En effet, cette disposition vise essentiellement à régler une situation non conforme au droit des sociétés. Son application se désintéresse ainsi des questions d’endettement et de solvabilité. Ce faisant, elle ne vaut pas un prononcé de faillite, et ne constitue pas la condition objective nécessaire à appliquer les articles 163 et suivants du code pénal. Le recours au TF est rejeté, confirmant le classement des plaintes des recourantes (TF 6B_562/2021 du 7 avril 2022).

Investigation secrète – Droit de ne pas s’auto-incriminer – Preuve inexploitable

Art. 3, 113, 140, 141 et 293 CPP et 6 CEDH
Un homme est accusé du meurtre ou de l’assassinat de son épouse en lui tirant dessus à 5 reprises au moyen d’une arme qui n’a jamais été retrouvée. Il soutient ne pas avoir tué sa femme et ne pas savoir qui l’a fait. En cours d’enquête, une investigation secrète a été menée chez le prévenu, où un agent infiltré aurait obtenu de sa part l’aveu qu’il a bien tué sa femme. Le TF se penche sur l’admissibilité d’un tel mode de preuve.

L’exploitabilité des preuves, obtenues dans le cadre d’une investigation secrète, suppose en principe que les garanties de l’article 140 CPP soient respectées. Si un agent infiltré incite un prévenu à faire des déclarations en exerçant des pressions excessives et en éludant son droit de ne pas s’auto-incriminer, ces déclarations ne sont en aucun cas exploitables.

Dans le cas d’espèce, le TF considère que les aveux du condamné n’ont pas été fait librement, mais par l’effet d’une construction habile des agents infiltrés, de sorte que son droit de refuser de déposer n’a pas été respecté. Il s’agit d’une méthode interdite d’administration des preuves, incompatible avec la garantie d’un procès équitable définie par l’article 6 CEDH, qui rend les aveux de l’intimé résultant de l’investigation secrète inexploitables (TF 6B_210/2021 du 24 mars 2022).


Responsabilité civile

Dieselgate – dommage – théorie de la différence

Art. 41 al. 1 et 55 CO
Cet arrêt du TF s’inscrit dans le cadre du scandale des gaz d’échappement diesel (Diesel-Abgasskandal), désormais connu sous le nom de « dieselgate ». Cette polémique a mis en lumière l’installation par un constructeur automobile allemand, dans près de 11 millions de ses véhicules diesel, d’un logiciel manipulant les résultats des tests d’émissions polluantes.

Dans cette affaire, la recourante a directement ouvert action contre le constructeur, avec lequel elle n’avait aucune relation contractuelle, auprès du Tribunal de commerce du canton de Zurich. Se fondant sur les art. 41 ss CO, respectivement l’art. 55 CO, elle a conclu AU remboursement du prix d’achat brut de son véhicule PAR CHF 33’102.-. Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a rejeté sa demande.

Raisonnant à la lumière du droit suisse, étant précisé ici que le droit allemand auquel se référait la recourante peut conduire à une solution différente, le TF a confirmé la décision du Tribunal de commerce de Zürich. Se référant à la jurisprudence suisse constante, le TF retient que le dommage en droit de la responsabilité civile extracontractuelle est basé sur la théorie de la différence. Selon cette théorie, le dommage est la diminution involontaire du patrimoine net, correspondant à la différence entre l’état actuel du patrimoine et l’état hypothétique qu’il aurait sans le fait dommageable.

En l’espèce, la recourante n’a pas démontré que le comportement du constructeur lui aurait causé un dommage. Elle n’a pas fait valoir que la valeur vénale de son véhicule aurait été plus élevée sans la manipulation du logiciel, respectivement qu’elle aurait pu obtenir un prix de revente plus élevé sans celle-ci. Elle n’a en outre pas invoqué une moins-value mercantile au sens de la jurisprudence, des frais de réparation et d’équipement ultérieur ou d’autres frais consécutifs tels qu’une consommation accrue de carburant.

La conclusion involontaire d’un contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable en vertu du droit de la responsabilité civile extracontractuelle. Il en découle que ni la restitution en nature ni le remboursement des « overcharges » (différence entre le prix effectif et le prix hypothétique du véhicule) réclamés ne trouvent de fondement dans les art. 41 ou 55 CO, ce qui conduit au rejet du recours (TF 4A_17/2023 du 9 mai 2023).