N°09/2023

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Les rappels du mois par la Jurisprudence

Droit de la propriété et contrat d’entreprise – rappels des principes cardinaux

Choix de jurisprudences du Tribunal fédéral

Dans la présente chronique, nous proposons notamment un choix de décisions rendues par notre Haute Cour, qui offrent des rappels précieux à l’entrepreneur de principes cardinaux susceptibles de jalonner la pratique de son métier.

  • Un choix des derniers arrêts pertinents pour l’employeur est proposé dans les domaines du droit du travail et de l’assurance chômage
  • Dans deux autres décisions présentées, le TF rappelle les contours de la notion de défaut dans le contrat d’entreprise, et les conditions auxquelles l’entrepreneur peut être considéré comme ayant renoncé tacitement à se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts par le maître.
  • Enfin dans une décision technique relative au droit de la propriété, le TF rappelle les exigences d’équipement que doit réunir une parcelle à construire, définit les notions de servitude de passage nécessaire et d’accès suffisant.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

 

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Mes projets

Droit de la propriété

Servitude – Droit de passage nécessaire – Accès suffisant en droit public

Art. 694 CC, 19 et 22 LAT
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral tranche un recours qui pose la question de savoir si la parcelle à construire est correctement équipée et notamment qu’elle dispose d’un accès suffisant sous l’angle du droit public. L’occasion est ainsi donnée au TF de rappeler certaines notions essentielles de droit de la propriété et des constructions, pertinentes pour le praticien:

Droit de passage nécessaire (art. 694 CC) : le Tribunal fédéral rappelle que l’octroi d’un passage nécessaire et soumis à des conditions très strictes. Le droit de passage ne peut être invoqué qu’en cas de véritable nécessité. Il n’y a nécessité que si une utilisation ou une exploitation conforme à la destination du fonds exige un accès à la voie publique et que celui-ci fait totalement défaut ou est très entravé.

Accès suffisant en droit public (art. 19 al. 1 et 22 al. 2 LAT) : ici le Tribunal fédéral souligne qu’une autorisation de construire n’est délivrée qu’à la condition que le terrain soit équipé. Un terrain est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à l’utilisation prévue par des voies d’accès. Ce sont les moyens de la planification qui déterminent en premier lieu l’accès suffisant ; celui-ci peut également être aménagé par une convention privée conclue entre les propriétaires concernés. L’accès est suffisant lorsqu’il est garanti, sûr et approprié, non seulement pour ceux qui profitent de la construction, mais également pour les véhicules des services publics. L’étendue des installations et la détermination de l’accessibilité suffisante relèvent du droit cantonal. Du point de vue du droit fédéral, il suffit que la route d’accès soit suffisamment proche des constructions et installations. Il n’est pas nécessaire que la route soit carrossable jusqu’au terrain à bâtir ou même jusqu’à chaque bâtiment ; il suffit que les usagers ou les visiteurs puissent accéder avec un véhicule à moteur (ou un moyen de transport public) à une proximité suffisante pour accéder aux bâtiments ou installations par un chemin.

Rapport entre droit privé et droit public : la question de savoir si un bien-fonds, même situé en zone à bâtir, dispose d’un accès suffisant pour l’utilisation ou l’exploitation conforme à sa destination relève en premier lieu du droit public. Le zonage devrait en effet avoir pour conséquence que les biens-fonds dans la zone à bâtir soient équipés conformément au plan, rendant ainsi les servitudes de passages nécessaires superflues. La réalité du terrain est parfois autre. Dans ce cas, le propriétaire foncier doit recourir en premier lieu aux institutions du droit public si elles lui permettent d’obtenir un équipement convenable. Dans cette mesure, le propriétaire qui veut demander un passage nécessaire doit établir qu’il a fait – au préalable et en vain – tout son possible pour obtenir par les moyens du droit public un accès à son immeuble. Saisi d’un litige de droit de passage nécessaire, le juge civil peut en principe se fonder sur l’autorisation de construire entrée en force dans la mesure où, sous réserve d’exceptions, l’accès suffisant du droit public suppose des exigences plus strictes que celles du passage nécessaire garanti par le droit privé.

Dans le cas d’espèce, le TF confirme que la parcelle est située en zone à bâtir sans toutefois disposer d’un accès suffisant sous l’angle du droit public et que l’aménagement d’un tel accès n’est actuellement pas prévu par les autorités ni exigible par le propriétaire auprès des autorités. En outre, il n’est pas contesté que l’accès est insuffisant au sens de l’art. 694 CC : le bâtiment sert de résidence principale ; l’accès piéton est dangereux et ne correspond pas aux critères actuels (longueur et pente) ; aucun accès motorisé n’est assuré pour des transports exceptionnels ou pour les services publics ; les livraisons postales exceptionnelles par la route existante ne bénéficient d’aucune autorisation (TF 5A 757/2022 du 17 mai 2023).

Servitude – Foi publique du registre foncier– Acquéreur de bonne foi

Art. 738, 973 et 975 CC
Selon l’art. 975 CC, celui dont les droits réels ont été lésés par une inscription faite ou par des inscriptions modifiées ou radiées sans cause légitime, peut en exiger la radiation ou la modification (al. 1). Demeurent réservés les droits acquis aux tiers de bonne foi par l’inscription (al. 2), conformément à l’art. 973 al. 1 CC.

Doit être protégé dans l’acquisition celui qui, de bonne foi, s’est fié à une inscription au registre foncier – étant précisé que le contrat de servitude est conservé comme pièce justificative au bureau du registre foncier et fait également partie intégrante du registre foncier – et a acquis par la suite la propriété ou d’autres droits réels. Même un acquéreur en soi de bonne foi doit donc se renseigner plus en détail si des circonstances particulières lui font douter de l’exactitude de l’inscription. L’état physique réel et extérieurement visible d’un bien-fonds peut notamment faire échec à la bonne foi du tiers acquéreur dans l’inscription figurant au registre foncier.

En l’espèce, l’acquéreur du fonds dominant ne pouvait pas de bonne foi considérer que la servitude impliquait une interdiction de construire sur l’entier du fonds servant à l’exception du volume déjà bâti, alors qu’elle était inscrite en tant que « restriction de bâtir » et que le feuillet renvoyait le lecteur à rechercher des précisions auprès du registre foncier avec une mention selon laquelle l’exercice du droit devait s’effectuer « selon le registre foncier ». L’acquéreur devait en outre se renseigner davantage en constatant que la limitation de hauteur à quatre mètres, prévue par la servitude, n’était visiblement pas respectée actuellement par deux bâtiments déjà construits (TF 5A_212/2023 du 19 juin 2023).

Mes affaires

Contrat d’entreprise

Renonciation tacite à se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts

Art. 367 et 370 CO
Dans cette affaire, des acheteurs ont acquis des appartements, et ont confié des années plus tard une expertise arbitrage afin d’établir l’existence de défauts et cas échéant en fixer la valeur. Se fondant sur le résultat de cette expertise, ils ont saisi l’autorité judiciaire contre l’entrepreneur qui a construit ces appartements. Ce dernier a notamment fait valoir que l’avis des défauts était selon lui tardif.

Le Tribunal fédéral rappelle que la loi institue une fiction d’acceptation de l’ouvrage lorsque le maître ne signale pas l’existence de défauts aussitôt qu’il en a eu connaissance. Les droits issus de la garantie des défauts de l’ouvrage sont alors frappés de péremption. L’entrepreneur peut valablement renoncer à se prévaloir de cette péremption. Il le fait de manière tacite lorsque, alors qu’il a connaissance de la tardiveté de l’avis des défauts, il entreprend de réparer l’ouvrage ou reconnaît son obligation d’éliminer le défaut.

En l’espèce, les circonstances et l’attitude de l’entrepreneur permettaient selon le TF de déduire l’existence d’une renonciation tacite à se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts, dont la preuve incombe au maître de l’ouvrage. Cet arrêt illustre la nécessité qu’il y a pour l’entrepreneur à réfléchir à deux fois avant de se montrer conciliant avec le maître d’ouvrage mécontent : en conduisant des démarches orientées vers une possible élimination du défaut, il prend le risque d’être considéré comme ayant renoncé à se prévaloir de la tardiveté de l’avis de défauts (TF 4A_603/2021 du 31 janvier 2021).

Définition d’un défaut de l’ouvrage

Art. 70 et 368 CO
Dans cette affaire, un contrat d’entreprise porte sur le montage d’une installation de biogaz. 3 ans après la livraison de l’ouvrage, le maître avise l’entrepreneur d’un défaut lié à des trous de corrosion apparus sur l’ouvrage, ce dont il tient l’entrepreneur pour responsable au motif qu’il n’aurait pas choisi un type d’acier suffisamment stable pour les cuves à poser.

Le Tribunal fédéral rappelle ici que l’ouvrage livré est entaché d’un défaut lorsqu’il n’est pas conforme à ce qui avait été contractuellement convenu. L’ouvrage doit en particulier répondre aux exigences techniques et à la destination que le maître lui réserve. Le maître doit informer l’entrepreneur lorsqu’il entend affecter l’ouvrage à une destination qui sort de l’ordinaire.

Dans le cas d’espèce, l’utilisation d’un acier restant stable pendant une dizaine d’années correspondait à l’état de la technique au moment de la conclusion du contrat. Le fait de ne pas avoir choisi un type d’acier présentant des meilleures propriétés ne représente pas nécessairement un défaut au sens juridique (TF 4A_361/2022 du 25 avril 2023).

Mes collaborateurs

Droit du travail

Licenciement – vaccination obligatoire – militaire – droits fondamentaux

Art. 10, 19, 20 et 34b Lpers, 8 et 15 CEDH, 9, 10 et 36 Cst
Cette affaire porte sur le licenciement d’un militaire qui refuse la vaccination contre le Covid-19, en faisant valoir notamment le risque qu’une telle vaccination comporte, et finit par se faire licencier pour ce motif, licenciement dont il conteste le bien-fondé, notamment en soutenant que l’obligation vaccinale porte une atteinte inacceptable à sa liberté personnelle.

Saisi de ce dossier, le Tribunal fédéral retient que la restriction à la liberté personnelle du recourant est justifiée par un intérêt public prépondérant au sens de l’art. 36 al. 2 Cst., le but étant de sauvegarder les intérêts suisses à l’étranger. Les réticences du recourant à l’égard du vaccin, alors qu’il résulte des faits établis par la juridiction précédente que des effets indésirables graves des vaccins contre le Covid-19 n’ont été recensés que dans une proportion infinitésimale de cas sur plus de 15 millions de doses administrées en Suisse et au Liechtenstein ainsi que sur 545 millions de doses administrées au sein de l’Union européenne, ne sauraient l’emporter sur l’intérêt public à assurer la disponibilité opérationnelle des membres du DRA10 pour des missions à l’étranger pouvant impliquer la vie de citoyens suisses. La pesée des intérêts effectuée par les juges précédents échappe dès lors à la critique et justifie le licenciement signifié (TF 8C_351/2022 du 22 février 2023).

Congé abusif – Opposition – Péremption

Art. 336b CO
Cette affaire porte sur la question de savoir à quelles conditions un employé licencié s’est valablement opposé à son licenciement, lorsqu’il entend ensuite en soutenir le caractère abusif.

Le Tribunal fédéral rappelle que le laps de temps dont dispose l’employé selon l’art. 336b CO pour s’opposer au congé est un délai de péremption. La charge d’alléguer et de prouver l’absence de péremption porte, en principe, sur celui qui invoque le droit soumis à un délai de péremption, puisque le respect de cette exigence est un élément constitutif de droit et une condition de l’exercice de l’action.

En matière de droit du travail, le législateur part du principe que l’auteur du congé pourrait revenir sur sa décision et préférer maintenir le rapport de travail plutôt que de payer une indemnité au travailleur. Il appartient au salarié de montrer que les conditions participant au fondement de son droit sont réunies et partant, d’alléguer et de prouver les circonstances factuelles dont le juge pourra inférer le droit à un dédommagement pour le congé abusif, qui présuppose une opposition valable.

Le cas échéant, le juge devra interpréter la lettre que le travailleur a adressé à l’employeur pour s’opposer au congé pour décider s’il y a eu opposition valable au sens de l’art. 336b CO. Il faut donc utiliser une formulation sans équivoque pour signifier l’opposition au congé, sous peine d’être considéré ensuite comme déchu du droit d’y faire opposition (TF 4A_412/2022 du 11 mai 2023).

Protection de la personnalité – Allaitement

Art. 35a LTr
Cette affaire porte sur le licenciement d’une travailleuse au motif qu’elle n’a pas repris le travail, après son congé maternité, malgré une mise en demeure de reprendre le travail de son employeur. Cette dernière, qui s’oppose à son licenciement, soutient que le grief de n’avoir pas repris le travail est injustifié, dans la mesure où elle pouvait, selon elle et en application de l’article 35a LTr, librement décider de ne pas travailler étant encore en période d’allaitement.

Le Tribunal fédéral confirme ici le raisonnement de la cour cantonale. L’art. 35a LTr ne reconnaît pas formellement aux mères qui allaitent un droit à se dispenser de travailler après la seizième semaine suivant la naissance de leur enfant. Passé ce délai, si les mesures proposées par l’employeur ne permettent pas à la travailleuse d’allaiter son nourrisson à satisfaction, celle-ci peut demander à être dispensée de travailler.

Il faut donc distinguer la situation des femmes enceintes qui peuvent, sur simple avis, se dispenser d’aller au travail ou le quitter, des mères qui allaitent et peuvent seulement disposer du temps nécessaire à l’allaitement. Dans le cas d’espèce, comme la travailleuse allaitait et qu’elle a refusé de reprendre le travail malgré la mise en demeure de son employeur, c’et à bon droit qu’elle a été licenciée avec effet immédiat pour justes motifs (TF 4D_49/2022 du 7 juin 2023).

Egalité hommes femmes – Discrimination salariale

Art. 8 al. 3 Cst, 3 et 6 LEg
Cette affaire porte sur une situation où la recourante s’estime victime discrimination salariale, dans le sens où rien ne justifie selon elle que son collègue masculin touche un salaire supérieur au sien. Ce dossier permet au Tribunal fédéral de rappeler les principes qui s’appliquent en la matière.

Ainsi selon l’art. 6 LEg, l’existence d’une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable.  S’agissant du degré de preuve, la discrimination doit être rendue simplement vraisemblable. Il s’agit d’un assouplissement de la preuve par rapport à la certitude découlant du principe général de l’art. 8 CC. La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que le juge soit convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse ; il doit simplement disposer d’indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu’il puisse en aller autrement. Par exemple si une femme, qui présente des qualifications équivalentes à son prédécesseur de sexe masculin, est engagée à un salaire moins élevé que lui pour un travail inchangé, il est vraisemblable que cette différence de traitement constitue une discrimination à raison du sexe, prohibée par l’art. 3 LEg.

Lorsqu’une discrimination liée au sexe est ainsi présumée au degré de la vraisemblance, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve stricte du contraire. Le fardeau de la preuve est donc renversé. Si l’employeur échoue à apporter la preuve stricte qu’il n’existe pas de différence de traitement ou, si celle-ci existe, qu’elle repose sur des facteurs objectifs, l’existence d’une discrimination salariale doit être tenue pour établie. Si l’employeur apporte la preuve d’un facteur objectif justifiant une différence de traitement, l’ampleur de cette différence doit encore respecter le principe de la proportionnalité et ne pas apparaître inéquitable .

En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que la salariée n’a pas été victime de discrimination salariale. La différence de salaire entre son collègue et elle-même est liée au fait qu’ils n’exécutaient pas les mêmes tâches et n’avaient ni les mêmes profils ni les mêmes compétences (TF 4A_344/2022 du 15 mai 2023).

Heures supplémentaires – Abus de droit

Art. 321c CO, 2 et 8 CC
Cette affaire porte sur une prétention en paiement d’heures supplémentaires que l’employé fait valoir contre son employeur après la fin des rapports de travail.

Le Tribunal fédéral rappelle que les heures supplémentaires, que l’employeur est tenu de rétribuer quand elles ne sont pas compensées par un congé (art. 321c CO), correspondent aux heures de travail accomplies au-delà de l’horaire contractuel (prévu par le contrat, l’usage, un contrat-type ou une convention collective). Il appartient au travailleur de prouver (art. 8 CC) à la fois la quotité des heures supplémentaires accomplies et que celles-ci ont été ordonnées par l’employeur ou étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de ce dernier et, dans ce second cas, qu’elles ont été annoncées à l’employeur en temps utile, sauf si l’employeur savait ou devait savoir que l’employé accomplissait de telles heures.

Lorsqu’il n’est pas possible d’en établir le nombre exact, le juge peut, par application analogique de l’art. 42 al. 2 CO, procéder à une estimation. Lorsque l’employeur n’a mis sur pied aucun système de contrôle des horaires et n’exige pas des travailleurs qu’ils établissent des décomptes, l’employé peut recourir aux témoignages pour établir son horaire.

En l’espèce, le travailleur avait régulièrement consigné son temps de travail et ses rapports d’activité permettaient de retenir l’existence d’heures supplémentaires, qui étaient donc portées à la connaissance de l’employeur, de sorte que sa prétention en paiement de ses heures n’était pas abusive et a été admise (TF 4A_138/2023 du 12 juin 2023).

Compensation – Dommage – Frais d’avocats

Art. 124, 327a et 340ss CO CO
Cette affaire porte notamment sur la question de savoir dans quelle mesure un dommage, ici sous forme de frais d’avocats encourus dans le cadre d’une procédure de droit du travail, peut être invoqué en compensation contre les prétentions de la partie adverse.

Le Tribunal fédéral rappelle que le débiteur doit signifier au créancier (art. 124 al. 1 CO) qu’il entend faire valoir contre lui un dommage qu’il lui réclame par une manifestation de volonté claire, expresse ou tacite, avant le procès ou par une allégation en procédure. Le simple fait de contester les allégations relatives aux prétentions salariales et de préconiser le rejet des conclusions adverses ne vaut pas déclaration de compensation, ni le fait que les parties aient admis que « certaines déductions n’avaient pas été effectuées correctement.

Les frais engagés pour la consultation d’un avocat avant le procès (à condition d’être prouvés) peuvent être indemnisés pour autant que cette consultation soit nécessaire et adéquate et que les frais ne soient pas couverts, ni présumés couverts par les dépens, c’est-à-dire la participation aux honoraires d’avocat de la partie adverse qui peuvent être mis à la charge de la partie qui perd le procès par le tribunal.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral retient que les coûts générés par la négociation et la conclusion d’une transaction avant procès peuvent être dédommagés, dès lors que l’employeuse n’a pas respecté cette transaction et qu’un procès a été nécessaire. Bien que dans cette affaire prud’homale il n’était possible de facturer des émoluments de justice qu’à partir d’une certaine valeur litigieuse et que l’octroi de dépens pour la représentation en justice n’était pas prévu par la procédure, le travailleur est légitimé à demander la réparation du dommage causé par des frais d’avocat avant procès, ce d’autant que ce procès a été rendu nécessaire par le fait que l’employeuse et n’a pas respecté les termes de la transaction qu’elle avait passé avec son travailleur (TF 4A_364/2022 du 12 mai 2023).


Assurance chômage

Droit à l’indemnité – Délai-cadre applicable à la période de cotisation

Art. 8 al. 1 let e et 13 LACI
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral rappelle le principe de l’art. 8 al. 1 let e LACI, qui prévoit que l’assuré a droit à l’indemnité chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. D’après l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, au cours du délai cadre applicable à la période cotisation a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à la cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.

Dans le cas d’espèce, l’assurée n’a exercé une activité soumise à la cotisation que pendant un peu plus de 10 mois au cours du délai-cadre, soit entre le 1er août 2019 et le 31 juillet 2021. Elle ne peut pas invoquer la préservation de ses droits au chômage en périodes de crise, au motif que la période du 1er mars au 31 août 2020 serait une période blanche durant la période extraordinaire de la pandémie de COVID-19. En effet, durant cette dernière période, le Conseil fédéral a voulu éviter que les chômeurs arrivent en fin de droit durant la période extraordinaire et a prévu l’octroi d’indemnité chômage supplémentaires. Comme la recourant n’avait pas droit aux indemnités chômage durant cette période, elle ne saurait en tirer argument pour compléter sa période de cotisation durant le délai-cadre (TF 8C_464/2022 du 8 mars 2023).

Recherches d’emploi – Travail convenable – Durée du trajet pour se rendre au travail

Art. 16 al. 2 let f LACI
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral se penche sur le cas d’une assurée dont les indemnités chômage ont été suspendues au motif qu’elle n’a pas fait suffisamment de recherches d’emploi et qu’elle a refusé un travail convenable, notamment en considérant qu’on ne pouvait attendre d’elle qu’elle effectue le trajet nécessaire à se rendre à un travail qu’on lui proposait, ce que l’autorité a assimilé à un refus d’emploi.

Le Tribunal fédéral rappelle que d’après l’art. 16 al. 2 let f LACI, un travail qui nécessite un déplacement de plus de deux heures pour l’aller et de plus de deux heures pour le retour n’est pas réputé convenable, s’il n’offre pas de possibilités de logement appropriée au lieu de travail ou qui, lorsque l’assuré bénéficie d’une telle possibilité, ne lui permet de remplir ses devoir envers ses proches qu’avec de notables difficultés. Dans ce contexte, il peut être demandé à un assuré, dans certaines circonstances, d’utiliser sa voiture privée, à condition que sa situation financière lui permette de supporter les frais liés à cette utilisation sans que son minimum vital, qui inclut son obligation d’entretien envers les membres de sa famille, ne soit affecté.

Dans le cas d’espèce, l’autorité cantonale s’est contentée de constater que la recourante a refusé le travail qui lui était proposé. Le TF lui renvoie le dossier pour qu’elle investigue les raisons pour lesquelles la recourante avait posé les plaques de son véhicule et la question de savoir si sa situation financière lui aurait permis ou non de récupérer l’utilisation de son véhicule. Sur cette base, l’autorité cantonale devra déterminer s’il y a refus fautif d’un travail convenable ou non (TF 8C_687/2022 du 17 avril 2023).