N°12/2023

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Entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur la protection des données

La loi fédérale sur la protection des données a été révisée et sa nouvelle version est entrée en vigueur au 1er septembre 2023.

Cette modification législative entraine une importante évolution du régime qui prévalait jusqu’ici et introduit un nombre important d’exigences qui doivent être, selon le texte de la nouvelle loi, respectées. A l’heure de rédiger ces lignes, il n’est pas possible d’identifier la portée de ces nouvelles exigences, ne serait-ce que parce que nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour mesurer l’impact pratique des nouvelles dispositions légales. A cela s’ajoute que le préposé fédéral à la protection des données n’a pas encore eu l’opportunité de tracer les contours d’une pratique dans cette nouvelle dimension législative ambitieuse. On s’aperçoit d’emblée qu’il ne sera pas aisé de mobiliser les ressources nécessaires à pouvoir contrôler qu’une déclaration de protection des données existe bien au sein de chaque PME et si cette dernière répond ou non aux exigences de la LPD.

A ce stade le service juridique de la FVE recommande toutefois à ses membres :

  1. D’entreprendre des démarches concrètes pour mettre en place une déclaration de protection des données au sein de l’entreprise, ceci afin de pouvoir démontrer que les devoirs d’information en lien avec les données traitées au quotidien sont respectés et définir le traitement des données collectées et leur durée de conservation.
  2. De porter une attention particulière au site internet de l’entreprise. Lle service juridique de la FVE souligne qu’il est nécessaire, selon la nouvelle loi, de mettre en place une déclaration de protection des données dans la mesure où l’entreprise exploite un site web ou traite des données personnelles. Même si chaque site internet est structuré de manière différente et que ceci est susceptible de modifier le contenu de la déclaration de protection des données adoptée au cas par cas, certains aspects incontournables devront en principe toujours être traités, soit notamment :
  • Lorsque le site de l’entreprise comporte un formulaire de contact qui implique que l’utilisateur saisisse ses données pour être recontacté ultérieurement, ce dernier doit être informé de ce qui sera précisément fait des données qu’il aura communiquées par ce biais (traitement de sa demande, prise de contact, si ce service est assuré par un tiers, il faudra le mentionner expressément).
  • Lorsque le site offre au surplus la possibilité de s’abonner à une newsletter ou à des communications à visée marketing, l’utilisateur intéressé va, pour y souscrire, communiquer à tout le moins une adresse e-mail de contact et son nom. L’utilisateur devra alors non seulement savoir quel traitement sera fait des données de sa demande, mais également se voir offrir en tout temps la possibilité de se désinscrire du service en question (art. 3 al. 1 let. o de la Loi sur la concurrence déloyale).
  • D’ordinaire, même les sites web n’ayant qu’un caractère informatif contiennent des cookies ou des technologies de traçage similaires, lesquelles sont en principe utilisées dans des buts divers, mais le plus souvent pour collecter les adresses IP des utilisateurs et des identifiants susceptibles de contenir des données personnelles, à des fins d’observer le comportement des internautes, notamment dans un but d’optimisation et d’amélioration de performances.

Du point de vue du droit sur la protection des données, le traçage est considéré comme un traitement des données personnelles dès lors que les données relevées et analysées peuvent être mises en relation avec une personne déterminée ou identifiable (dans ce cas, le traitement des données est soumis aux dispositions relatives à la protection des données) alors que tel n’est pas le cas lorsque  des cookies sont utilisés pour enregistrer les préférences de l’utilisateur-trice sans qu’il soit possible d’établir un lien personnel avec l’utilisateur. La bannière d’info cookie n’est pas obligatoire mais il faudra mentionner dans la déclaration de protection des données quels types de cookies sont collectés, la finalité de la collecte et du traitement.

Me David Equey, Directeur adjoint et Chef du service juridique de la Fédération vaudoise des entrepreneurs, a rédigé une déclaration de protection des données « modèle » qui peut être mise à la disposition des entreprises qui le souhaitent, sur simple sollicitation du service juridique.

Enfin le service juridique invite le lecteur qui souhaiterait approfondir certains enjeux posés par la nouvelle loi fédérale sur la protection des données à consulter les liens suivants :

https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/datenschutz/arbeit_wirtschaft/datenschutzerklaerung.html: il s’agit de la page internet du préposé fédéral à la protection des données qui traite de la question de la déclaration de protection des données sur internet.

https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/datenschutz/arbeit_wirtschaft.html: il s’agit de la page interne du préposé fédéral sur le traitement des données par l’employeur.

Le service juridique de la FVE se tient au surplus à la disposition des entreprises membres pour toute question que ce nouveau régime légal de la protection des données pourrait susciter.

Mes projets

Droit de la propriété

Responsabilité du propriétaire foncier – Rapports de voisinage – Immiscions (moustiques)

Art. 684 CC et 55 CPC
Des propriétaires d’étage disposent chacun d’une terrasse sur le toit. L’un d’eux a aménagé sur sa terrasse un bassin de plus de 4m2 qui, selon les propriétaires de la terrasse voisine, est à l’origine d’une présence accrue de moustiques. Ceux-ci demandent l’enlèvement du bassin, subsidiairement une indemnité correspondant à la diminution de la valeur vénale de leur bien, ainsi qu’une indemnisation pour la perte de la possibilité de jouir de leur terrasse. Déboutés en première et en seconde instances, ils saisissent le TF.

Après avoir rappelé la notion d’atteinte excessive au sens de l’art. 684 CC, le TF confirme que la présence d’insectes peut constituer une telle atteinte. Le débat porte en réalité sur le devoir d’allégation et de preuve des immissions, ainsi que sur la preuve du lien de causalité entre le bassin et la présence de moustiques. Sur la première question, l’instance précédente reprochait aux recourants de n’avoir pas allégué qu’ils auraient été attaqués ou piqués par les moustiques lorsqu’ils séjournaient sur leur propre terrasse ; ils n’auraient pas non plus étayé ce qu’ils entendaient par une « énorme nuée de moustiques », ni indiqué à quels moments et dans quelles périodes lesdits moustiques étaient apparus à chaque fois ainsi que la durée de la présence de ces insectes sur leur terrasse. Le TF estime que les exigences posées par la cour cantonale sont excessives. On ne voit pas pourquoi ils auraient dû prétendre avoir été piqués : cette question peut être prise en compte dans la pesée des intérêts nécessaire lors de l’examen de l’art. 684 CC ; elle ne peut en revanche pas conduire à ce qu’aucun examen matériel des nuisances alléguées n’ait lieu. A cet égard, les recourants avaient allégué la présence de nuées de moustiques en précisant la température et les heures auxquelles ceux-ci apparaissaient.

S’agissant de la preuve du lien de causalité, l’instance cantonale avait écarté la demande d’expertise des recourants, au motif que ceux-ci n’avaient pas apporté la démonstration que l’avis d’un spécialiste pourrait démontrer que les insectes issus de larves se trouvant dans le bassin seraient exclusivement ou principalement responsables de la prolifération des moustiques sur leur propre terrasse. Le TF rejette cet argument, au motif que cette question relève précisément de la compétence de l’expert et non de celle des parties. C’est donc à tort que la cour cantonale avait rejeté la requête d’expertise dans le cadre de l’appréciation anticipée des preuves. La cause est donc renvoyée au tribunal cantonal pour nouvelle décision (TF 5A_86/2023 du 22 août 2023).

Mes collaborateurs

Droit du travail

Congé abusif – Remboursement de frais

Art. 336 et 336a CO
Le licenciement est abusif s’il est donné pour un motif qui n’est pas digne de protection. Ce n’est donc pas le but du congé (celui de mettre fin au contrat) qui est répréhensible, mais le motif (intérieur) qui a poussé de manière décisive l’employeur à mettre fin au contrat. Selon le Code des obligations, un congé abusif reste valable (il n’est ni nul ni annulable). En revanche, la victime d’un tel congé peut solliciter le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé par le juge, compte tenu de toutes les circonstances, mais correspondant au maximum à six mois de salaire de la personne employée.

La loi contient une liste de huit cas de congé abusif (motifs légaux). Cette liste n’est pas exhaustive. En effet, selon le Tribunal fédéral, un tel congé peut aussi résulter d’autres situations qui apparaissent comparables, par leur gravité, aux hypothèses visées dans la loi (motifs innommés). En pratique, il est difficile de déterminer quel était le réel motif du licenciement. Des versions contradictoires sont souvent présentées par les parties.

Dans cette affaire, une employeuse a licencié une employée en prétendant que celle-ci avait, pendant plus de deux ans, contourné les règles internes relatives au remboursement des frais. En première instance, le Tribunal des prud’hommes du canton de Genève a donné raison à l’employeuse. Il a considéré que le licenciement de l’employée n’était pas abusif, dans la mesure où il était motivé par le fait qu’elle avait réclamé le remboursement d’indemnités kilométriques, sans pour autant avoir parcouru ces trajets ou supporté de frais correspondants.

En deuxième instance, la Chambre des prud’hommes de Genève a admis l’appel de l’employée et estimé, au contraire, que la résiliation qui lui avait été notifiée était abusive, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, l’employeuse avait résilié le contrat de travail parce que l’employée avait fait valoir de bonne foi des prétentions du contrat de travail (motif légal). Le motif invoqué par l’employeuse n’était donc pas fondé. En deuxième lieu, la manière dont le licenciement avait été notifié violait gravement les droits de la personnalité de l’employée (motif innommé). En effet, l’employeuse avait accusé celle-ci de manière péremptoire d’avoir trompé sa confiance; elle avait de plus proféré des accusations attentatoires à son honneur sans en vérifier de manière suffisante la réalité. En outre, l’employeuse avait réservé des poursuites pénales, ce qui était inapproprié et inutilement blessant.

Suite à un recours en matière civile de l’employeuse, le Tribunal fédéral a pleinement validé le raisonnement de la Chambre des prud’hommes. Pour notre Haute Cour, l’employeuse a eu un comportement inadmissible revenant à tirer «au canon sur des moineaux». Au final, l’employeuse a été condamnée à verser à l’employée un montant de 102 500 fr. à titre d’indemnité pour licenciement abusif, correspondant à six mois de salaire de l’employée (maximum légal). Pour notre Haute Cour, ce montant tenait justement compte du fait que cette dernière travaillait depuis dix ans pour l’employeuse au moment où elle avait été congédiée, qu’elle n’avait pas commis de faute concomitante, ni démérité dans l’exécution de ses tâches, et que les modalités du licenciement étaient inutilement vexatoires (TF 4A_3/2023 du 30 août 2023).


Assurance invalidité

Infirmité congénitale – Mesures médicales – Soins de base

Art. 13ss LAI
Dans cette affaire, une enfant atteinte d’infirmités congénitales séjourne une partie du temps dans une école spécialisée, non pas pour des raisons médicales, mais essentiellement afin de décharger sa famille. Elle y bénéficie de soins de base fournis par une organisation de soin à domicile (OSAD), soins qui sont, le reste du temps, fournis par les parents. Le TF confirme qu’il ne s’agit pas d’une mesure médicale au sens de l’art. 14 aLAI.

Cette affaire n’avait pas pour objet les soins de base fournis par les parents eux-mêmes, notamment par la mère, infirmière diplômée. Dans un obiter dictum, le TF rappelle que ces soins, respectivement la décharge des parents par une OSAD, peuvent, respectivement doivent, être compensés dans le cadre de l’allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses, et ne sont pas des mesures médicales au sens de l’art. 14 aLAI (TF 9C_511 et 516/2022 du 23 août 2023).

Mes litiges

Responsabilité civile

Responsabilité civile – Procédure – Fardeau de l’allégation – coupure de courant

Art. 8 CC et 311 CPC
La recourante, entreprise fabriquant et vendant des boîtes de montres, a prétendu avoir subi un dommage de CHF 63’004.- lors d’une interruption de sa production due à une coupure de courant électrique. Selon elle, la responsabilité en incombait à l’entreprise de construction chargée de déplacer deux conduites électriques, qui ne les avait pas enfouies assez profondément ou protégées notamment par des plaques métalliques. En effet, le paysagiste occupé à des travaux de jardin avait endommagé l’une des conduites entraînant une coupure de courant de 35 minutes. Une expertise a confirmé que les conduites auraient dû être enfouies plus profondément ou protégées par la pose de plaques métalliques pour prévenir des dommages mécaniques.

Le juge de première instance a rejeté l’action en responsabilité de la demanderesse-recourante. Elle a exclu la responsabilité de l’entreprise de construction parce que cette dernière n’était que simple exécutante des travaux, sans pouvoir décisionnel. En effet, après avoir averti la société exploitante et propriétaire des conduites qu’il fallait enfouir les conduites plus profondément qu’elles ne l’étaient en l’état ou les protéger, l’entreprise de construction n’avait fait que s’en tenir aux instructions de la société en question qui avait refusé d’agir selon ses conseils. Il n’y avait donc pas de faute de la part de l’entreprise de construction. Le juge de première instance n’a pas examiné les autres conditions de la responsabilité dont celle de dommage, vu que la condition de la faute faisait défaut.

L’appel de la recourante a été rejeté: la cour cantonale a exclu que la défenderesse ait commis un acte illicite, pour les mêmes raisons que celles retenues par le juge de première instance. Examinant encore la condition du dommage, la cour cantonale a estimé que l’appel n’était pas suffisamment motivé sur ce point (art. 311 CPC) et le dommage insuffisamment allégué : même si le juge de première instance ne s’était pas prononcée sur la question du dommage, dans son appel, la demanderesse s’était contentée de renvoyer aux arguments présentés et aux pièces produites en première instance ou figurant au dossier, ne satisfaisant ni à son devoir de motivation de l’appel, ni à son devoir d’alléguer le dommage, alors que le dommage était contesté par la demanderesse.

Saisi d’un recours portant sur les deux conditions (acte illicite et dommage), le TF a déclaré le recours de la demanderesse irrecevable : par-devant le TF, la recourante n’avait pas démontré que la cour cantonale avait violé le droit en retenant une violation de l’art. 311 CPC et un défaut d’allégation s’agissant du dommage. Sur le fond, le TF a ajouté que bien que la cour cantonale ait mêlé exigence de motivation de l’appel découlant de l’art. 311 CPC et devoir d’alléguer le dommage découlant du droit matériel, il résultait de sa motivation qu’elle considérait que la demanderesse n’avait consacré à son dommage et à sa quotité que des allégués insuffisants. Or, pour faire partie du cadre du procès, cette condition du dommage devait avoir été alléguée, le demandeur supportant le fardeau de l’allégation objectif conformément à l’art. 8 CC et la charge de la motivation suffisante. Les allégués relatifs ne permettaient pas une administration des preuves, par expertise ou par témoignage, de sorte que c’est avec raison que la cour cantonale avait rejeté l’action de la demanderesse faute d’allégation suffisante. Un renvoi de la cause à la première instance était ainsi superflu (TF 4A_32/2023 du 31 août 2023).


Poursuite et faillite

Mainlevée provisoire de l’oppostion – Contrat de vente

Art. 82 LP
Dans cette affaire, un acheteur se voit notifier un commandement de payer portant sur le prix d’une chose qui lui a été livrée, mais qu’il n’a pas payée. L’acheteur poursuivi fait valoir son droit à la réduction du prix en raison du défaut de la chose pour s’opposer à la demande de mainlevée de son opposition au commandement de payer.

Le Tribunal fédéral se pose la question de savoir si en agissant de la sorte, l’acheteur fait ainsi valoir une exception d’inexécution au sens de l’article 82 LP, ou s’il conteste l’exigibilité de la créance en paiement du prix figurant dans le commandement de payer.

Le TF observe que l’exception d’inexécution ne s’applique pas lorsque l’acheteur qui s’est fait livrer la chose requiert, à titre de garantie pour les défauts, la réduction du prix de vente. Lorsqu’il s’en prévaut dans le cadre d’une procédure de mainlevée provisoire, il ne conteste pas l’exigibilité du prix mais fait valoir un moyen de droit civil au sens de l’art. 82 LP. Il lui appartient donc de rendre vraisemblable le défaut ainsi que l’étendue de la réduction qu’il entend opposer au vendeur poursuivant, étant donné qu’il ne peut refuser de payer l’entier du prix de vente. Il n’appartient pas au juge de la mainlevée de trancher ces questions, qui sont réservées au juge de fond (TF 5A_625/2022 du 21 mars 2023).

Contestation de l’état de collocation – Dividende nul de la faillite – Intérêt à agir

Art. 250 LP
La société D. AG a été mise en faillite en 2016. Plusieurs créanciers étaient inscrits à l’état de collocation : A. SA, B., C. et E, ce dernier ayant toutefois cédé sa créance à C. Le dividende de la faillite a été estimé à 0%. A. SA et B. ont introduit une action en contestation de l’état de collocation contre C. auprès du Tribunal de district de Zurich et ont demandé que les créances de C. soient rejetées.

La question centrale porte sur l’intérêt à agir de la société A. SA, dès lors que le dividende de faillite était présumé nul. Selon la doctrine et la jurisprudence, le créancier peut avoir un intérêt juridique suffisant, malgré un dividende supposé nul, dans trois cas de figure :

  1. Le premier est celui où le créancier qui requiert l’exclusion d’un autre créancier (art. 250 al. 2 LP) agit dans le but de le priver de la possibilité d’agir contre le créancier demandeur sur la base d’une cession au sens de l’art. 260 LP en raison de sa responsabilité en matière du droit des sociétés anonymes.
  2. Le deuxième est celui où le demandeur agit pour éviter de perdre un éventuel gain de procédure résultant de la cession de prétentions contre des tiers avec un co-créancier.
  3. Le troisième est celui de se prévaloir de l’intérêt de la masse en faillite. Celle-ci aurait un intérêt à éviter que l’Intimé soit colloqué à tort comme créancier de la faillite et bénéficie des droits de créancier.

Le Tribunal fédéral a rappelé que pour que le demandeur de l’action en collocation ait un intérêt à agir, il suffit qu’il puisse obtenir quelque chose, non pas pour lui-même, mais pour la masse, dans le cas où il est lui-même déjà entièrement satisfait. Dans le cas d’espèce, le dividende de la faillite ayant été estimé à 0%, un tel intérêt pécuniaire n’existait ni pour la société Recourante, ni pour la masse en faillite. En outre, la simple possibilité théorique d’une faillite postérieure ne suffit pas pour affirmer l’intérêt à la protection juridique d’une action en collocation.

Le Tribunal fédéral a donc rejeté le recours de la société A SA, considérant qu’elle n’avait aucun intérêt, faute de dividende, à contester l’inclusion des créances de la société C SA dans l’état de collocation (TF 5A_869/2021 du 25 avril 2023).


Droit pénal

Mobile honorable – Activisme climatique

Art 17, 48, 48a et 144 CP
En octobre 2018, un homme participe à la marche pour le climat à Genève. À cette occasion, il souille avec d’autres le bâtiment de la banque Crédit Suisse, qu’ils veulent amener à réduire ses investissements dans les énergies fossiles. Concrètement, ils laissent sur la façade des empreintes de mains avec de la peinture rouge, censées symboliser le sang des victimes du réchauffement climatique. Il fournit immédiatement ses coordonnées à la police, contrairement aux autres auteurs qui ne seront pas identifiés.

Après une condamnation pour dommages à la propriété (art. 144 CP) à une peine pécuniaire avec sursis par le Tribunal pénal genevois, un acquittement en appel en raison de la reconnaissance d’un état de nécessité justificatif (art. 17 CP) par la Cour de justice genevoise et un renvoi à cette dernière par le Tribunal fédéral, la Cour confirme cette fois-ci la condamnation de A, mais modifie la peine en une amende de CHF 100.-. Le ministère public genevois forme recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt qu’il juge trop clément.

Saisi de cette affaire une seconde fois, le Tribunal fédéral rappelle qu’un mobile honorable (art. 48 let. a ch. 1 CP), conduisant à une atténuation de la peine (art. 48a CP), est susceptible d’entrer en considération à l’égard d’activistes du climat en tant qu’ils agissent dans une perspective de sensibilisation écologique, ou d’éveil des consciences face à l’insuffisance de l’action politique sur ce plan. Cependant, si les actions des activistes reflètent en même temps une critique anticapitaliste ou traduisent une remise en question de la légitimité démocratique du droit et des autorités chargées de son application, aucun mobile honorable ne peut être retenu. Il en va de même lorsque les actes des militants, par leur violence, conduisent à des déprédations ou à un risque d’atteinte à l’intégrité corporelle. Dans un État de droit tel que la Suisse, qui offre de larges garanties en termes de droits politiques et de liberté d’expression notamment, des actes de telle nature ne sauraient en effet être rendus excusables par la volonté de promouvoir quelque idéal politique, aussi respectable soit-il.

Sur cette base, le TF admet le recours, partant l’idée que le jugement rendu est trop clément, et renvoie la cause à la cour cantonale genevoise pour nouveau jugement (TF 6B_620/2022 du 30 mars 2023).