Il peut arriver qu’un ouvrage livré soit défectueux, c’est-à-dire qu’il ne correspond pas à la qualité convenue ou attendue, pour des raisons imputables au maître de l’ouvrage uniquement. Se pose alors la question de savoir comment l’entrepreneur, qui exécute les instructions du maître, peut être entièrement ou partiellement exonéré de la garantie pour les défauts (art. 369 CO).

Devoir d’avis de l’entrepreneur et résiliation pour justes motifs

La situation particulière d’un défaut de l’ouvrage non imputable à faute de l’entrepreneur se présente notamment lorsque le maître de l’ouvrage a donné des ordres ne respectant pas les règles de l’art ou les prescriptions de sécurité, ceci malgré les mises en garde de l’entrepreneur.

Devoir d’avis formel de l’entrepreneur

L’entrepreneur a un devoir d’avis formel, dès lors qu’il constate ou aurait dû constater que les instructions reçues du maître de l’ouvrage sont erronées ou qu’elles lui imposent des responsabilités qu’il estime ne pas pouvoir assumer, comme la mise en danger de tiers. Dans tous les cas, l’entrepreneur est tenu d’informer immédiatement le maître de toute circonstance qui compromet l’ouvrage (art. 365 al. 3 CO). S’il ne le fait pas, l’entrepreneur engage sa responsabilité. En cas de défaut de l’ouvrage, il sera tenu de le réparer selon les droits de garantie prévue à l’art. 368 CO. Par ailleurs, il risque également d’engager sa responsabilité civile et pénale si les travaux ne respectent pas les prescriptions de sécurité.

L’exigence d’avis formel par l’entrepreneur pour que le défaut soit imputable au maître de l’ouvrage repose sur le fait que, dans le contrat, l’entrepreneur est la partie la plus qualifiée. Dans les situations où la norme SIA 118 est intégrée aux rapports contractuels, l’art. 25 SIA-118 précise que le devoir d’avis existe dans une moindre mesure seulement lorsque le maître de l’ouvrage est lui-même plus qualifié que l’entrepreneur, et ce y compris s’il fait appel à des spécialistes ayant des compétences techniques supérieures pour le représenter. Dans le cas où le maître de l’ouvrage ne dispose pas de compétences techniques et n’est pas non plus représenté, l’avis formel est essentiel.

En pratique et pour une question de preuve, il est vivement recommandé de procéder à cet avis par un écrit (courrier recommandé) et de demander au maître de l’ouvrage de confirmer ses directives en toute connaissance de cause. Si l’avis est tout de même donné oralement, l’art. 25 al. 2 SIA-118 stipule qu’il doit être contresigné dans un procès-verbal.

Résiliation du contrat pour justes motifs

A toutes fins utiles, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’entrepreneur, tout comme le maître de l’ouvrage, a la possibilité de résilier le contrat d’entreprise pour de justes motifs. Constituent de justes motifs les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger la continuation des rapports contractuels, par exemple en raison d’un comportement fautif du client allant à l’encontre des règles de l’art ou mettant en danger la vie et l’intégrité physique de tiers.

L’entrepreneur aurait donc un juste motif de résiliation dans une situation où l’entrepreneur l’engage, malgré son avis contraire, à ne pas respecter les prescriptions de sécurité. En effet, une décharge signée par le maître de l’ouvrage à ce sujet ne préserverait pas l’entrepreneur de poursuites civiles et pénales.