De manière générale, le temps pendant lequel le travailleur se tient à la disposition de son employeur, dans l’intérêt principal et par la volonté de ce dernier, est considéré comme faisant partie du temps de travail.

La loi sur le travail (LTr) et ses ordonnances  consacrent le principe selon lequel le temps consacré au trajet pour se rendre de son domicile à son lieu de travail et en revenir n’est pas considéré comme du temps de travail (art. 13 OLT 1).  Lorsque le travailleur doit exercer son activité ailleurs que sur son lieu de travail habituel (i.e lieu d’engagement, dépôt ou siège usuellement) et que la durée ordinaire du trajet s’en trouve ainsi rallongée, le surplus de temps ainsi occasionné est également réputé temps de travail.

Dans le domaine de la construction, les travailleurs sont souvent quotidiennement appelés à travailler sur différents chantiers, plus ou moins éloignés de leur lieu d’engagement. Comment convient-il de traiter le temps passé à se déplacer du siège de l’employeur jusqu’au chantier ? La réponse dépend avant toute chose de la convention collective qui trouve à s’appliquer.

Dans le secteur principal de la construction en Suisse (gros œuvre, maçonnerie et génie civil) [CN et CCT-Vd]

Bases conventionnelles:

  • Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse (CN)
  • Convention complémentaire vaudoise de la maçonnerie et du génie civil 2023 (CCT-Vd)

La CN opère une distinction entre le lieu d’engagement (siège de l’entreprise), le lieu de travail (soit généralement le chantier) et le lieu de rassemblement. Dans ce secteur, définir contractuellement un lieu de rassemblement commun pour les travailleurs et organiser  des transports collectifs depuis cet endroit jusqu’aux chantiers est une pratique courante.

Le temps de déplacement pour les allers et retours depuis et vers le lieu de rassemblement jusqu’au chantier ne fait pas partie de la durée annuelle du travail de 2’112 heures définie dans le calendrier de l’horaire de travail (art. 42 CN et 54 CN [1]). Les 2’112 heures annuelles du calendrier s’entendent donc bien comme des heures de travail productives sur chantier.

Le temps passé par l’ouvrier [i.e passager] à se déplacer doit toutefois lui être indemnisé au salaire de base individuel pour la partie qui dépasse 30 minutes par jour.

Les travailleurs qui officient comme chauffeurs des véhicules doivent quant à eux être payés, à leur salaire individuel de base sans supplément, dès la première minute et pour la totalité du temps de transport. Ils ne peuvent pas se voir déduire les 30 premières minutes quotidiennes (art. 24 CCT-Vd).

Exemple pratique:

Travailleur domicilié à Pontarlier, le siège de son employeur est à Lausanne, mais son lieu de rassemblement contractuel est à Crissier, le chantier se situe à Aigle. Le temps de déplacement entre Pontarlier et Crissier n’est pas du temps de travail (art. 13 al. 1 OLT1). La durée d’un aller simple entre le lieu de rassemblement de Crissier et le chantier d’Aigle totalise 45 minutes, soit 90 minutes quotidiennes de déplacement dans des conditions de circulation normales. Le travailleur ne conduit pas.

Les 30 premières minutes sont dues à l’employeur, les 60 minutes restantes doivent être indemnisées au salaire horaire de base individuel pour les ouvriers passagers du véhicule.  L’ouvrier officiant en qualité de chauffeur perçoit quant à lui 90 minutes payées. Ces 60/90 minutes sont payées en sus des heures productives prévues par le calendrier de la durée du travail.

 

Dans le secteur du second œuvre romand (CCT SOR)

Base conventionnelle:

  • Convention collective de travail du second-œuvre romand 2024 (CCT-SOR 2024)

La CCT-SOR prévoit que le temps de transport (i.e entre le point de rassemblement ou le lieu d’engagement et le chantier) est indemnisé au tarif horaire sans supplément uniquement dans la mesure où il dépasse 30 minutes par jour à compter de l’heure de rassemblement à celle du début du travail et de l’heure de la fin du travail à celle du retour sur le lieu de rassemblement (art. 23 ch. 1 lettre c CCT-SOR[2]).

Ce temps de transport indemnisé est inclus dans l’horaire de travail hebdomadaire, ce qui signifie que les heures de transport peuvent générer des heures supplémentaires. Contrairement à ce qui prévaut dans le secteur principal de la construction, dans le second œuvre la déduction quotidienne des 30 premières minutes de déplacement s’applique aussi lorsque l’employé officie comme chauffeur du véhicule.

Exemple pratique:

Le déplacement aller-retour entre le lien d’engagement et le chantier totalise 45 minutes quotidiennes. Le travailleur effectue au demeurant un total de 40 heures productives sur le chantier. A la fin de la semaine, il aura ainsi 40 heures de travail et 1h15 de déplacement à son actif. Il aura donc effectué 15 min d’heures supplémentaires. 

Dans le secteur de la construction métallique (Métal-Vaud)

Base conventionnelle:

  • Convention collective Métal-Vaud 2019-2023 (CCT-MV)

Dans la métallurgie vaudoise du bâtiment, l’employeur et le travailleur sont tenus de convenir, avant l’ouverture d’un chantier, des conditions d’indemnisation salariale et de déplacement propres audit chantier [i.e temps de déplacement et frais] (art. 40 ch. 1 CCT-MV).

Le temps de déplacement entre le lieu habituel du travail et le chantier, et inversement, doit être indemnisé au salaire horaire normal du travailleur [i.e salaire individuel de base sans supplément] (art. 40 ch. 2 let. b CCT-MV). Les heures de déplacement doivent faire l’objet d’un décompte séparé des heures de travail et n’ont pas à être majorées comme des heures supplémentaires. Les dispositions de la Loi sur le travail (LTr) demeurent toutefois réservées.

Si le trajet direct du domicile du travailleur au chantier n’excède pas le temps de déplacement habituellement consacré par le travailleur pour se rendre de son domicile jusqu’à son lieu d’engagement, celui-ci ne donne pas droit à paiement (art. 40 al. 2 let. c CCT-MV qui rappelle la teneur de 13 OLT 1).

Le temps consacré au déplacement ne rentre pas dans la durée journalière du travail (i.e 8h18min par jour, soit 41h30 hebdomadaires, art. 28 al. 1 CCT-MV).

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[1] lequel, de part son absence d’extension, ne trouve à s’appliquer qu’aux entreprises aux signataires à la CN (= entreprises coopératrices à la FVE)

[2] Comme cet article n’est pas étendu, il ne s’applique qu’aux entreprises signataires à la CCT-SOR (= entreprises coopératrices à la FVE)