L’entrepreneur qui a effectué des travaux au profit d’un maître d’ouvrage ne parvient pas à se faire payer. Outre la notification d’un commandement de payer et l’ouverture d’une action en justice contre le maître, l’entrepreneur peut à certaines conditions sauvegarder le paiement de sa créance en faisant inscrire sur l’immeuble qui a profité de ses travaux une hypothèque légales des artisans et entrepreneurs.

Notion d’ hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est régie par les articles 837, 839 à 841 du Code civil suisse (CCS), et consiste en un droit de faire inscrire au registre foncier un gage sur l’immeuble sur lequel un artisan ou un entrepreneur est intervenu, en garantie de sa créance en paiement des travaux qu’il a effectués sur l’immeuble.

Il s’agit également, et surtout, d’un moyen de pression important que l’entrepreneur qui peine à être payé a à sa disposition, puisque cette hypothèque est inscrite sur l’immeuble qui a profité des travaux fournis par l’entrepreneur, lequel peut à terme provoquer la vente forcée dudit immeuble s’il n’obtient pas le paiement de sa créance.

Conditions pour faire inscrire une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

La réquisition de l’inscription d’une hypothèque légale est soumise aux conditions suivantes :

  • L’entreprise qui requiert l’inscription d’une hypothèque légale doit se fonder sur un contrat d’entreprise au sens des articles 363 et suivants du Code des obligations (CO). Les sous-traitants ont également la possibilité de requérir l’inscription d’une hypothèque légale sur le bien-fonds du propriétaire foncier et maître d’ouvrage. Ceci est valable même lorsque le propriétaire a déjà payé l’entreprise générale.
  • Le contrat porte sur des prestations de livraison de matériaux avec travail ou uniquement sur un travail à effectuer sur un immeuble (et non sur un objet mobilier), qui entre dans le champ d’application de l’article 837 CC. La loi cite, notamment, les travaux de construction ou de destruction, le montage d’échafaudages, la sécurisation d’une excavation et la fourniture de matériaux ou de travail. Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive et il convient de vérifier attentivement, dans chaque cas d’espèce, si le travail effectué ouvre la voie à une hypothèque légale.
  • L’entrepreneur doit avoir une créance contre le propriétaire ou l’entrepreneur général. L’artisan doit posséder une créance contre le propriétaire de l’immeuble ou, dans le cas du sous-traitant, contre l’entrepreneur général. Cela signifie que l’artisan doit être au bénéfice d’un contrat (qui peut être non écrit) selon lequel la partie adverse lui doit rémunération pour la prestation effectuée. La créance n’a toutefois pas besoin d’être exigible au moment de l’inscription de l’hypothèque légale.
  • Le propriétaire n’a pas déposé des sûretés. La constitution de sûretés suffisantes par le propriétaire de l’immeuble (par exemple une garantie bancaire) ferme la voie à l’hypothèque légale, dans la mesure où ces sûretés permettent à l’artisan de se voir assurer le paiement de ses prestations.
  • Le délai légal de 4 mois doit être respecté. La requête peut être formée dès la conclusion du contrat et doit être déposée dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux. Les travaux de peu d’importance, accessoires ou de retouche ne constituent pas des travaux d’achèvement, et ne prolongent pas d’autant le délai de 4 mois. L’hypothèque légale doit être effectivement inscrite au registre foncier dans le délai de quatre mois (art. 839 al.2 CC). Le simple dépôt de la requête auprès du juge ne suffit donc pas.

Procédure

La requête en inscription de l’hypothèque légale est régie par la procédure sommaire des articles 252 à 256 CPC (code de procédure civile suisse : art. 249 let. d ch. 5 CPC). Elle doit être déposée devant le juge du lieu où l’immeuble est ou devrait être immatriculé au registre foncier (art. 29 al. 1 let. c CPC).

Toute tentative de requête d’inscription de l’hypothèque légale doit se faire de sorte que l’inscription soit opérée dans le délai de 4 mois après l’achèvement des travaux. Ce délai est péremptoire, ce qui signifie qu’il ne peut être suspendu ou interrompu, prolongé ou restitué, et que, s’il est dépassé, le droit à l’inscription s’éteint purement et simplement. Autrement dit, l’entrepreneur prudent fera déposer la requête dans les 3 mois à 3 mois et demi après la fin des travaux pour laisser le temps au juge d’ordonner au conservateur du registre foncier d’inscrire l’hypothèque en temps utile.

Lorsque le délai de péremption est proche de son échéance, on accompagnera par sécurité la requête de mesures provisionnelles en inscription d’une hypothèque légale d’une requête de mesures provisionnelle urgentes, afin que le juge donne immédiatement l’ordre d’inscrire l’hypothèque légale provisoire au Conservateur du Registre foncier.

Des formulaires et explicatifs y relatifs établis par la Société Suisse des Entrepreneurs sont disponibles et peuvent être utilisés à titre exemplatif. Toutefois, s’agissant d’une démarche judiciaire particulièrement formelle et technique, il est vivement recommandé à l’entrepreneur de s’adresser à un avocat pour faire rédiger utilement une telle écriture.