Le principe

Conformément à l’art. 337 al. 1 CO, l’employeur peut résilier le contrat immédiatement, y compris lors d’une incapacité de travailler, lorsqu’il existe de justes motifs. Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail.

Selon la jurisprudence (ex. ATF 137 III 303, c. 2.1.1), la résiliation immédiate pour justes motifs est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive. Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle forme de résiliation (par opposition à la résiliation ordinaire qui est moins restrictive). Aussi, les manquements invoqués doivent avoir entraîné la perte irrémédiable du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Lorsque le manquement présente un caractère moins grave, il ne peut justifier une résiliation immédiate que s’il se reproduit malgré un ou plusieurs avertissements (notifiés de préférence par écrit pour des questions de preuve).

A noter qu’il n’existe pas de règles précises sur le nombre et le contenu des avertissements nécessaires au préalable à une résiliation immédiate. Selon la jurisprudence (ex. TF 4A_188/2014, c. 2.3), l’employeur doit avoir clairement fait comprendre au travailleur, par un avertissement, qu’il juge le comportement incriminé comme inadmissible et que sa répétition entrainera des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la résiliation immédiate. La nature et la gravité des manquements reprochés, leur répétition ou leur durée, de même que l’attitude du travailleur face aux avertissements formulées à son encontre sont décisifs dans l’appréciation du cas d’espèce.

A l’inverse, un empêchement de travailler sans faute du travailleur (ex. absence avec certificat médical) ne constitue pas un juste motif de renvoi immédiat. De même, une baisse de productivité ou le fait de ne pas atteindre les objectifs fixés, même s’ils sont précédés d’un avertissement formel, ne suffisent généralement pas non plus à procéder à une résiliation immédiate mais appellent à une résiliation ordinaire (ex. ATF 97 II 142, c. 2a ; ATF 127 III 351, c. 4bb).

Les conditions

La gravité des faits reprochés

La gravité des faits reprochés constitue la condition principale pour justifier une résiliation immédiate. Les faits doivent être tels qu’ils rendent insupportable la continuation de la relation de travail, même pour une courte durée. Cette condition est appréciée selon des critères objectifs et subjectifs:

  • Critères objectifs

Les faits reprochés doivent porter atteinte de manière grave à la relation de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. L’atteinte peut résulter de violations des obligations contractuelles principales (ex. non-exécution ou exécution défectueuse de la prestation de travail) ou d’obligations accessoires (violation du devoir de fidélité, divulgation de secrets d’affaires, concurrence déloyale). Enfin, les faits doivent être d’une intensité telle que la continuation du contrat ne peut être exigée de manière raisonnable.

  • Appréciation subjective

Il convient également de tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, telles que la position hiérarchique du travailleur, la durée des rapports de travail et les antécédents professionnels (répétition de comportements fautifs ou absence d’avertissement préalable).

La condition d’immédiateté

Le principe de l’immédiateté exige que la résiliation pour justes motifs soit prononcée sans délai après la découverte des faits incriminés. Cela a pour but que l’employeur réagisse de manière cohérente et ne tolère pas implicitement le comportement fautif. Il dispose ainsi d’un délai « raisonnable » pour enquêter sur les faits si nécessaire (ex. en cas de soupçon de fraude, etc.), évaluer leur gravité et/ou obtenir des conseils juridiques. Selon la jurisprudence, ce délai est généralement de deux à trois jours ouvrables suivant la découverte des faits, (voire une semaine pour les cas nécessitant la décision d’un organe d’une société composée de plusieurs personnes).

Les conséquences

En pratique, le juge apprécie librement s’il existe des justes motifs ou non. A cet effet, il prend en considération tous les éléments du cas d’espèce.

  • Il convient de garder à l’esprit qu’il est très difficile de procéder à des comparaisons avec des décisions judiciaires rendues dans des causes que l’employeur pourrait tenir pour similaires. Il en va de même de situations portées à sa connaissance par d’autres entrepreneurs qui auraient procédé à une résiliation immédiate dans un cas, semble-t-il similaire, et où le travailleur n’aurait pas contesté cette résiliation.

Si la résiliation immédiate est justifiée, le contrat de travail prendra fin immédiatement (à la date de la déclaration de fin par l’employeur). L’employeur devra ensuite établir un décompte final (tenant compte des soldes de vacances, heures supplémentaires, etc.) et procéder à la sortie administrative de l’employé de l’entreprise (assurances, etc.). En vertu de l’art. 337b CO, le travailleur peut également être tenu de réparer le dommage causé à l’employeur, compte tenu de toutes les prétentions découlant des rapports de travail.

Si la résiliation immédiate est jugée injustifiée par un tribunal, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou, le cas échéant, à la cessation du contrat de durée déterminée, conformément à l’art. 337c al. 1 CO. Il s’agit ici d’une créance en dommages-intérêts de nature salariale, soumise aux cotisations sociales (AVS/AI/APG) et faisant partie intégrante du salaire, ce qui implique notamment des conséquences en matière d’assurance-chômage. A noter que selon l’art. 337c al. 2 CO, on impute sur ce montant ce que le travailleur a épargné par suite de la cessation du contrat de travail ainsi que le revenu qu’il a tiré d’un autre travail ou le revenu auquel il a intentionnellement renoncé.

En sus de cette indemnité, le juge peut condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, compte tenu de toutes les circonstances. Celle-ci ne peut toutefois dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur. Cette indemnité n’est pas de nature salariale et n’est pas soumise aux cotisations sociales.

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En conclusion, il convient avant de procéder à une résiliation immédiate des rapports de travail, de bien prendre en considération l’ensemble des éléments du cas d’espèce (ex. position du travailleur, ancienneté, nature des motifs, avertissements préalables, etc.) et de déterminer si les manquements reprochés ont objectivement conduit à la rupture irrémédiable du rapport de confiance.

Il convient de garder à l’esprit que:

  • La résiliation immédiate doit être distinguée de la résiliation ordinaire, avec libération de l’obligation de travailler. Dans cette hypothèse, le délai de préavis est respecté et l’employeur reste tenu de verser le salaire jusqu’à l’échéance des rapports de travail.
  • Elle doit également être distinguée des cas dans lesquels le licenciement s’avère nul (ex. résiliation en temps inopportun). Dans une telle hypothèse, la résiliation est nulle et de nul effet, avec pour conséquence qu’il faut la renouveler pour que le licenciement soit valablement notifié.

En droit, on dit que la résiliation immédiate par l’employeur est un acte formateur. Cela signifie que lorsqu’un licenciement avec effet immédiat intervient, les rapports de travail sont terminés à la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat, que le licenciement immédiat soit justifié ou non. Cette question devra le cas échéant être tranchée par un tribunal, mais les rapports de travail restent irrémédiablement terminés.