Lorsqu’un entrepreneur a fourni des prestations dont il ne parvient pas, malgré des rappels et la mise en demeure de son client, à se faire payer la somme qui lui est due dans un certain délai, il peut entreprendre contre son débiteur une démarche supplémentaire en lui faisant notifier un commandement de payer.
Notification d’un commandement de payer
La procédure de poursuite est un des moyens légaux permettant à un créancier d’obtenir le paiement d’une somme qu’il s’estime due de la part d’un débiteur récalcitrant. Elle commence par la réquisition de poursuite, soit la démarche par laquelle le créancier requiert de l’office des poursuites compétent, en principe en fonction du lieu de domicile du débiteur, de lui faire notifier un commandement de payer portant sur le montant que le créancier s’estime en droit de se faire payer.
En complétant sa réquisition de poursuite, par exemple en se servant du formulaire à disposition sur le site du canton de Vaud, le créancier précisera notamment les éléments suivants :
- Les noms et adresses de domicile du créancier et du débiteur
- Le montant dont il réclame le paiement
- La cause de l’obligation ou le titre de la créance, soit le motif en vertu duquel il réclame le paiement
- La date à laquelle il requiert cette mise en poursuite
Le créancier devra s’acquitter d’une avance de frais, dont le montant dépend du montant de la somme réclamée en poursuite, pour que l’office des poursuites procède à la notification du commandement de payer au débiteur. Cette notification représente en quelques sorte l’ultime sommation de payer le montant que le créancier lui réclame.
A réception de la notification du commandement de payer, le débiteur a trois possibilités :
- Il peut payer la somme qui lui est réclamée dans un délai de 20 jours dès la notification du commandement de payer, auquel cas ce paiement met fin à la procédure de poursuite.
- Il peut faire opposition totale ou partielle au commandement de payer : l’opposition paralyse la procédure de poursuite. L’opposition peut être exprimée directement à la personne chargée de notifier le commandement de payer, souvent la poste, en apposant sur le commandement de payer la mention « opposition totale » ou « opposition partielle », si le débiteur ne s’oppose au paiement que d’une partie de la somme qui lui est réclamée. Il est possible également d’écrire à l’office des poursuites pour faire connaître son intention de s’opposer, dans un délai de 10 jours qui suit la notification du commandement de payer. Dès cet instant, il appartient au créancier de saisir la justice de paix compétente pour démontrer que la somme dont il réclame le paiement est due en vertu d’un titre de mainlevée, soit une reconnaissance de dette ou un contrat signé par le débiteur et précisant le montant dont il se reconnait le débiteur, pour que son opposition soit levée, et que la procédure de poursuite suive son cours.
- Il peut enfin ne rien faire, auquel cas 20 jours après la notification du commandement de payer, faute de paiement dans l’intervalle, le créancier pourra demander à l’office compétent la continuation de la poursuite, ce qui amènera l’office à passer à une procédure de saisie des biens du débiteur s’il est une personne physique ou à une procédure de faillite si le débiteur est une société
Effets procéduraux de la notification d’un commandement de payer
On dit que la notification d’un commandement de payer est un acte interruptif de la prescription. Ainsi, lorsqu’un maître d’ouvrage se retrouve proche de l’écoulement d’un délai de 5 ans qui suit la livraison de prestations immobilières sur un chantier, et qu’il constate des défauts qu’il ne sait pas encore à quelle entreprise attribuer, il peut être tenté de faire notifier à toutes les entreprises intervenues un commandement de payer portant sur la valeur qu’il prête à la réparation des défauts qu’il a constatés sur le chantier, pour éviter qu’on lui reproche ultérieurement que ses prétentions en réparation des défauts sont prescrites.
Dans une telle situation, une alternative à la notification d’un commandement de payer consiste à faire signer au créancier une convention de renonciation à se prévaloir de la prescription. Ce type de document implique que le créancier s’engage à ne pas invoquer la prescription des prétentions du maître en garantie des défauts pendant une certaine durée, précisément pour éviter d’avoir à lui notifier un commandement de payer, pour interrompre le délai de prescription qui court.
Moyens à disposition du débiteur pour tenter de faire radier une poursuite
Il n’y a pour ainsi dire pas de restriction à la notification d’un commandement de payer. N’importe qui peut faire notifier à n’importe qui un commandement de payer de n’importe quel montant, moyennant que l’avance de frais nécessaire soit payée à l’office des poursuites compétent, cela même si la somme ainsi réclamée en poursuite n’est pas due ou repose sur une argumentation totalement fantaisiste du débiteur. La notification d’un commandement de payer est donc une démarche facile, et extrêmement invasive.
Une fois la poursuite notifiée au prétendu débiteur, celle-ci apparaît sur son extrait des poursuites, même s’il y a fait opposition, ce qui peut s’avérer très gênant lorsque ce dernier doit pouvoir attester de sa solvabilité. 3 moyens permettent de faire radier ou de dissimuler une poursuite après sa notification :
- Le créancier adresse à l’office des poursuite un contrordre, c’est-à-dire requiert lui-même que la poursuite soit retirée.
- Le débiteur obtient d’un tribunal une décision constatant l’inexistence de la dette en poursuite et l’ordre fait à l’office de la radier. Cette procédure est toutefois particulièrement longue et fastidieuse, et décourage souvent les débiteurs concernés.
- Enfin lorsque le créancier n’a pas sollicité la mainlevée de l’opposition du débiteur dans un délai de 3 mois qui suit la notification du commandement de payer, le créancier peut requérir la non-divulgation de cette poursuite, c’est-à-dire que cette poursuite n’apparaisse plus lorsque des tiers demande un extrait des poursuites du débiteur (art. 8a al. 3 let. b LP).
Attention: à certaines conditions, le fait de faire notifier un commandement de payer à un débiteur en pleine connaissance du caractère mal fondé de la créance en poursuite, ceci simplement dans l’intention de lui nuire ou pour lui mettre une pression destinée à le faire s’acquitter d’une somme qu’il ne doit pas, peut être constitutif de l’infraction de tentative de contrainte au sens de l’article 181 CP. Dans une telle situation, le dépôt d’une plainte pénale contre le créancier indélicat peut offrir un moyen plus efficace d’obtenir le retrait de la poursuite litigieuse, avec l’appui du Ministère public.