La société anonyme (SA) est une société de capitaux que forment une ou plusieurs personnes ou sociétés commerciales. C’est une personne morale distincte de ses actionnaires, ce qui signifie qu’elle possède ses propres droits et obligations. Avec la société à responsabilité limitée (Sàrl), la SA est la forme juridique la plus fréquente en Suisse.
Constitution d’une société anonyme
Le capital-actions minimum est de CHF 100’000.-. Au moment de la constitution de la SA, l’ensemble des actions doivent être souscrites, toutefois seul un minimum de CHF 50’000 doit être libéré. Cela signifie que toutes les actions doivent faire l’objet d’engagements valables et inconditionnels (art. 630 CO). En pratique, cela implique de transférer valablement au moins CHF 50’000.- à l’actif de la nouvelle société, les CHF 50’000.- restant étant considérés comme une créance de la société envers le ou les actionnaires qui n’ont pas libéré l’entier du montant dû. La libération de l’apport peut être fait en espèce, en nature (aux conditions de l’art. 634 CO) ou en compensation d’une créance.
Les actions représentent des parts de l’entreprise et doivent avoir une valeur nominale supérieure à zéro. Le ou les fondateurs peuvent également introduire des « actions à droit de vote privilégié ». Ce sont des actions au nom du fondateur (nominative), ayant une valeur nominale plus faible mais donnant l’entier droit de vote (sur le principe : une action = une voix). Cela implique qu’un actionnaire détenteur de 1’000 actions à CHF 10.- peut être majoritaire à l’assemblée générale face à 100 actionnaires ayant des actions à CHF 100.-, bien que la somme soit versée pour libérer le capital afférent à ces actions soit identique (CHF 10’000.-).
La société est constituée par un acte authentique (notarié) dans lequel le ou les fondateurs déclarent fonder une société anonyme, arrêtent les statuts et désignent les organes. Pour être valablement constituée, la SA doit être inscrite au registre du commerce (RC).
Organes de la société anonyme
L’assemblée générale (AG)
C’est l’organe suprême de la société, regroupant tous les actionnaires. Elle a des compétences exclusives, comme la modification des statuts, l’élection du conseil d’administration et de l’organe de révision, l’approbation des comptes annuels ou encore la distribution des bénéfices. L’AG peut se tenir sous forme électronique et sans lieu de réunion physique pour autant que les statuts le prévoient et que le conseil d’administration désigne dans la convocation un représentant indépendant.
Le conseil d’administration (CA)
Cet organe est chargé de la gestion et de la représentation de la société. Il peut être composé d’un ou plusieurs membres, qui ne doivent pas nécessairement être actionnaires. Sauf disposition contraire des statuts ou du règlement d’organisation, chaque membre du conseil d’administration a le pouvoir de représenter la société seul (signature individuelle) ou à plusieurs (signature collective à deux). Leurs noms sont inscrits au RC. Le CA peut également déléguer le pouvoir de représentation à un ou plusieurs de ses membres (délégués) ou à des tiers (directeurs).
Il dirige lui-même la société ou confie la direction à un tiers (ex. directeur). Cependant, il conserve plusieurs attributions intransmissibles et inaliénables (art. 716a CO) telles que l’exercice de la haute direction, la fixation de l’organisation, la nomination et la révocation des personnes chargées de la gestion et de la représentation, l’établissement du rapport de gestion, la préparation et la tenue de l’assemblée générale, etc.
L’organe de révision
Une SA doit avoir un organe de révision (auditeur) qui vérifie les comptes annuels. Cependant, une petite société peut renoncer à cet organe si toutes les conditions pour une révision restreinte sont remplies (par opposition au contrôle ordinaire obligatoire dans les grandes sociétés). Conformément à l’art. 727a al. 2 CO, moyennant le consentement de l’ensemble des actionnaires, la société peut ainsi renoncer au contrôle restreint lorsque son effectif ne dépasse pas dix emplois à plein temps en moyenne annuelle. Lorsque les actionnaires ont valablement renoncé au contrôle restreint, cette renonciation est également valable les années qui suivent. Chaque actionnaire a toutefois le droit d’exiger un contrôle restreint au plus tard dix jours avant l’assemblée générale. Celle-ci doit alors élire l’organe de révision. Au besoin, le conseil d’administration procède à l’adaptation des statuts et requiert que l’organe de révision soit inscrit au registre du commerce.
Fiscalité
La SA est une personne juridique distincte et partant imposée séparément des actionnaires. Si elle réalise des profits, elle devra payer des impôts sur les bénéfices. Si, sur ces bénéfices, elle verse un dividende aux actionnaires, ceux-ci devront également déclarer ce dividende comme revenu dans leur propre déclaration. Ce mécanisme constitue une double imposition. Il en va de même du capital-actions puisque la SA doit payer l’impôt sur le capital et l’actionnaire doit s’acquitter d’un impôt sur la fortune, en fonction de la valeur des actions.
L’impôt sur le bénéfice est perçu par la Confédération, le canton et la commune où la SA a son siège et constitue le poste le plus important, l’impôt sur le capital étant perçu uniquement par le canton et la commune, habituellement à des taux plus faibles. A titre indicatif, le taux d’impôt fédéral direct sur le bénéfice net se monte à 8.5% pour les SA (art. 68 LIFD) auxquels s’ajoute les impôts cantonaux et communaux.
Responsabilité
Responsabilité du conseil d’administration
Les membres du CA peuvent être tenus personnellement responsables des dommages qu’ils provoqueraient par manquement à leurs devoirs, que ce soit intentionnellement ou par négligence. Les principales situations de responsabilité incluent:
- Faute dans la gestion: si les membres du CA prennent des décisions manifestement contraires à l’intérêt de la société ou omettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir un préjudice ;
- Infractions aux prescriptions légales: en cas de violation à des lois (droit des sociétés, droit fiscal, droit sur les assurances, etc.). En matière de cotisations sociales impayées notamment, les membres de l’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation de la société répondent à titre subsidiaire du dommage qui peut être causé à la caisse de compensation (art. 52 LAVS) ;
- Faillite: les administrateurs peuvent être tenus responsables si la société tombe en faillite en raison d’une gestion inappropriée ou frauduleuse. Ils peuvent aussi être tenus responsables en cas de retard dans le dépôt d’une demande de sursis concordataire (art. 725a CO en cas de perte de capital) et de retard dans l’avis au juge en cas de surendettement (art. 725b CO).
Responsabilité des actionnaires
Les actionnaires d’une SA bénéficient d’une responsabilité limitée, ce qui est l’une des caractéristiques fondamentales de cette forme juridique. Ils ne sont responsables des dettes et des obligations de la société qu’à hauteur de leur apport au capital social. Cela signifie que leur responsabilité financière est limitée au montant des actions qu’ils ont souscrites et libérées. Ils ne peuvent pas être tenus de contribuer davantage que ce qu’ils ont investi, même si la société fait face à des pertes importantes ou à la faillite.
Le patrimoine personnel des actionnaires est distinct de celui de la société de sorte que les créanciers de la SA ne peuvent pas venir les rechercher sur leur patrimoine privé pour couvrir les dettes de la société.
Conclusion
La SA est une structure juridique généralement adaptée aux entreprises de taille moyenne à grande en Suisse, qui offre une plus forte protection contre les risques financiers en limitant la responsabilité de ses propriétaires. En outre, elle facilite le transfert des actions tout en permettant de garder un certain contrôle (ex. convention d’actionnaire, etc.) et de facilement lever des capitaux supplémentaires en cas de besoin.
Toutefois, elle implique des coûts plus élevés de constitution et de gestion, des formalités administratives plus lourdes (tenue et convocation des assemblées générales, tenue des procès-verbaux, etc.) et peut comporter des inconvénients en matière fiscale (double imposition). En outre, les attributions inaliénables de ses organes ne permettent pas toujours la prise de décision rapide en présence de plusieurs actionnaires ou de plusieurs membres du CA (minorités de blocage, convocation à des AG extraordinaire, etc.).