Les mesures d’assainissement sont des actions entreprises pour restaurer la santé financière de la société lorsque celle-ci rencontre des difficultés économiques. Elles peuvent être de nature préventive ou répondre à des besoins concrets en cas de menace d’insolvabilité, de perte de capital et de surendettement.
Pour rappel, la menace d’insolvabilité se produit lorsque la société n’est plus en mesure de remplir ses obligations financières à leur échéance, bien qu’elle ne soit pas encore effectivement insolvable. La perte de capital survient lorsque les actifs de la société sont inférieurs à ses passifs, ce qui signifie que le capital propre (fonds propres) est réduit de manière significative (moitié du capital-actions et des réserves légales ne sont plus couverts). Quant au surendettement, celui-ci survient lorsque les dettes de la société dépassent la valeur de ses actifs, même après évaluation à la valeur de liquidation.
Mesures préventives
Un certain nombre de dispositions communes aux sociétés de capitaux visent à protéger la fortune sociale, telles que notamment l’interdiction de restitution d’apports (= pas de « remboursement » possible de l’apport initial), les restrictions à l’acquisition par la société de ses propres actions, les devoirs de surveillance de l’organe de gestion et de révision ou encore les prescriptions en matière de comptabilité.
Parmi ces dispositions, la constitution de réserve légale et de réserve latente est une pratique importante pour la gestion financière des entreprises qui découle du principe général de prudence en droit comptable.
La réserve légale est une partie des bénéfices de l’entreprise qui doit être mise de côté chaque année pour assurer une certaine sécurité financière et couvrir des pertes éventuelles. Sauf exception, 5 % du bénéfice annuel doit être transféré à la réserve légale générale jusqu’à ce que celle-ci atteigne 20 % du capital-actions libéré (pour les SA) ou du capital social (pour les Sàrl). Si les réserves excèdent 50 % du capital-actions ou du capital social, les versements ne sont plus obligatoires. La réserve légale ne peut être utilisée que pour compenser des pertes ou, sous certaines conditions, pour maintenir l’activité de l’entreprise en cas de difficultés financières.
La réserve latente représente les bénéfices non distribués qui ne sont pas explicitement mentionnés dans les comptes annuels. Elles résultent souvent de la sous-évaluation des actifs (ex. maintien de valeurs d’inventaire basses) ou de la surévaluation des passifs (ex. provisions excessives) dans les états financiers. En cas de difficultés financières, la dissolution de réserve latente permet de faire face aux fluctuations économiques sans affecter directement les bénéfices déclarés.
A noter que la constitution et l’utilisation de réserves, tant légales que latentes, sont soumises à des principes de transparence et doivent être justifiées dans les états financiers et les rapports annuels. Si la société n’a pas renoncé au contrôle restreint, elle devra soumettre ses comptes à l’organe de révision (auditeur) qui vérifiera la conformité des réserves avec les exigences légales ainsi que les normes comptables.
Mesures d’assainissement
Augmentation du capital
L’augmentation du capital est une des mesures financières qui peut être utilisée comme un moyen d’assainissement. Lorsqu’une société réalise une augmentation de capital, elle émet de nouvelles actions pour lever des fonds supplémentaires auprès d’investisseurs existants ou nouveaux. En augmentant les fonds propres, l’entreprise peut réduire son ratio d’endettement (dette sur fonds propres), ce qui améliore sa solvabilité et sa capacité à faire face à ses obligations financières. L’argent levé lors de l’augmentation de capital peut être utilisé pour rembourser des dettes existantes, ce qui permet de diminuer la charge d’intérêts, améliorer la trésorerie et réduire les risques liés à un endettement excessif. Elle peut également fournir des liquidités nécessaires pour maintenir les opérations quotidiennes.
Réduction du capital
La réduction du capital est une autre mesure financière qui peut être utilisée pour assainir la situation d’une société en difficulté. Contrairement à l’augmentation de capital, qui consiste à lever des fonds supplémentaires, la réduction de capital implique la diminution du montant des fonds propres inscrits au bilan de l’entreprise. Elle est utilisée pour absorber des pertes accumulées. En réduisant la valeur nominale des actions ou en annulant des actions, la société peut effacer tout ou partie des pertes enregistrées dans ses comptes. Après réduction, l’entreprise peut être mieux positionnée pour lancer une nouvelle augmentation de capital, les investisseurs potentiels étant plus enclins à investir dans une entreprise dont les comptes ont été assainis et dont la structure du capital a été simplifiée (ex. diminution des dividendes futurs, réduction du poids des actionnaires minoritaires).
Subordination et conversion de créance
Ces deux mécanismes permettent de restructurer la dette de la société et de renforcer les fonds propres afin d’améliorer sa solvabilité.
La subordination de créance est un accord par lequel un créancier (souvent proche de la société comme un actionnaire ayant consenti un prêt) déclare accepter que sa créance soit remboursée après celles des autres créanciers. En cas de liquidation, les créances subordonnées ne seront payées qu’après le remboursement complet des créances non subordonnées. Ce mécanisme permet notamment de réduire temporairement la pression sur la trésorerie de la société et, dans certains cas particuliers, d’éviter l’avis au juge en cas de surendettement au sens de l’art. 725 al. 3 CO. Il ne s’agit pas pour autant d’une renonciation pure et simple à la créance.
La conversion de créance consiste à transformer une dette en capital social de l’entreprise. Cela signifie que le créancier accepte d’échanger tout ou partie de sa créance contre des actions de l’entreprise. En devenant actionnaire, il renonce à son droit de remboursement immédiat de la dette en échange d’une participation au capital de l’entreprise. Ce mécanisme permet de réduire l’endettement et renforcer les fonds propres. Attention toutefois, la conversion de créances peut toutefois entrainer une dilution des actions existantes, affaiblissant les droits des actionnaires actuels.
Plan de redressement et réorganisation
Le plan de redressement et la réorganisation sont des mesures stratégiques essentielles pour assainir une entreprise en difficulté. Ces actions visent à stabiliser l’entreprise, à restaurer sa rentabilité, et à repositionner ses activités de manière durable.
Un plan de redressement est un ensemble de mesures stratégiques et opérationnelles mises en œuvre pour restaurer la viabilité financière et opérationnelle d’une entreprise. Ce plan est souvent élaboré dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, mais peut également être initié de manière volontaire par l’organe de gestion ou la direction de l’entreprise. En pratique, il s’agit de faire une analyse préalable de la situation (état financier, causes des difficultés, etc.), de réduire certains coûts (réduction des dépenses non essentielles, optimisation des ressources, etc.), voire de réviser le modèle économique de la société pour s’adapter aux conditions du marché et aux attentes des clients. Il est également possible de négocier avec les créanciers (renégociation des dettes, étalement des paiements, réduction des taux d’intérêt) ou encore de rechercher des nouveaux financements (augmentation de capital ou conversion de créances).
La réorganisation implique une restructuration en profondeur des opérations, de la structure de l’entreprise ou de sa gestion. Elle est généralement une composante clé du plan d’assainissement car elle permet de mettre en place les bases nécessaires pour que la société retrouve une trajectoire de croissance durable. Il peut s’agir notamment de restructuration (fusion, suppression ou réorganisation des divisions, départements ou filiales), d’un changement de gouvernance (direction ou conseil d’administration) ou encore d’optimisation de la chaîne d’approvisionnement (relations avec les fournisseurs, amélioration de la logistique, etc.).
Sursis concordataire
Le sursis concordataire est une procédure de réorganisation judiciaire (art. 293 ss LP) par laquelle une entreprise en difficulté peut obtenir une suspension temporaire des poursuites de ses créanciers, tout en cherchant à conclure un concordat (accord) avec eux. Le but est de permettre à l’entreprise de continuer ses activités tout en négociant des conditions de remboursement de ses dettes qui soient acceptables pour les créanciers. Elle constitue une alternative à la faillite, offrant une opportunité pour la société de tenter de rétablir sa situation financière.
Il existe deux types principaux de concordats dans le cadre du sursis concordataire. Le concordat ordinaire est un accord entre l’entreprise et ses créanciers qui permet généralement une réduction des dettes ou un étalement des paiements. Ce type de concordat est soumis à l’approbation des créanciers et du tribunal. Le concordat par abandon d’actif concerne le cas dans le lequel l’entreprise cède tout ou partie de ses actifs à ses créanciers en paiement de ses dettes. Ce type de concordat peut entraîner la dissolution de l’entreprise si tous les actifs sont cédés.
L’entreprise doit déposer une demande de sursis concordataire qui inclut un plan d’assainissement ainsi que des informations financières détaillées (bilan à jour, compte de résultats) auprès du tribunal compétent. Le tribunal examine la demande pour déterminer si le sursis concordataire est justifié et si l’entreprise a une chance raisonnable de redressement. Il peut accorder un sursis provisoire d’une durée initiale de quatre mois, qui peut être prolongé jusqu’à douze mois. Il nomme alors un commissaire chargé de surveiller l’entreprise pendant la période du sursis durant laquelle, elle négocie avec ses créanciers pour parvenir à un accord sur la manière de restructurer ses dettes. Le concordat doit être approuvé par la majorité des créanciers représentant les deux tiers du montant des créances ainsi que par le tribunal. Une fois l’accord conclu entre l’entreprise et les créanciers, le tribunal doit l’homologuer et celui-ci devient juridiquement contraignant pour tous les créanciers concernés. Si l’entreprise ne parvient pas à négocier un concordat acceptable ou si le plan de redressement échoue, la faillite de l’entreprise sera déclarée.