Empêchement non fautif de travailler et obligation légales

L’employé qui se trouve empêché sans faute de sa part de travailler, pour des causes inhérentes à sa personne telles que la maladie, l’accident ou l’accomplissement d’une obligation légale ou d’une fonction publique est en droit de percevoir un salaire, pour un temps toutefois limité (art. 324a et 324b CO).

Le salaire n’est dû par l’employeur que lorsque les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou été conclus pour une période de plus de trois mois[1]. Cette limitation repose sur l’idée que l’employeur doit protéger le travailleur seulement lorsque celui-ci lui montre une certaine fidélité.

Le droit au paiement du salaire n’existe qu’en cas d’empêchement non fautif de travailler dû à une cause inhérente à la personne du travailleur. Lorsque l’empêchement repose sur des raisons objectives, l’absence qui en résulte n’a pas à être indemnisée par l’employeur[2]. Enfin, l’empêchement de travailler fautif ou intentionnel ne donne pas droit au versement d’un salaire[3].

L’accomplissement d’une obligation légale entre précisément dans la définition de l’empêchement non fautif de travailler énoncé par la loi. Sont notamment des obligations légales reconnues :

  • le devoir de témoigner en justice,
  • le service civil,
  • le service militaire sous toutes ses formes (i.e recrutement, école de recrue, cours de répétition, service long), ce tant pour les hommes que pour les femmes, de même que
  • l’astreinte au travail d’intérêt général en cas d’objection de conscience.

Ainsi, lorsque les rapports de travail ont duré ou ont été conclus pour une durée de plus de trois mois, l’employé appelé à servir pour un service militaire est effectivement en droit de percevoir un salaire pour un temps limité.

 

Pendant quelle durée l’employeur est-il tenu de lui verser un salaire?  – Art. 324a al. 2 CO

A moins que des délais plus longs n’aient été fixés par contrat de travail, contrat de type de travail ou dans une CCT, la durée du versement du salaire est de trois semaines durant la première année de service (art. 324a al. 2 CO). Dans le canton de Vaud, la durée du droit au salaire se détermine ensuite à l’aide de l’échelle bernoise. L’échelle bernoise est un barème qui arrête la durée pendant laquelle l’employé doit continuer à percevoir tout ou partie de son salaire lorsqu’il se trouve incapable de travailler sans faute de sa part pour une cause inhérente à sa personne.

La durée de versement de salaire qu’elle prévoit est fonction des années d’ancienneté/de service de l’employé :

💡 Pour déterminer la durée des rapports de travail, on doit également tenir compte du temps d’apprentissage passé chez le même employeur, dans la mesure où le contrat de travail a été conclu dans le prolongement de cette période de formation.

Ex : Apprentissage effectué dans l’entreprise entre le 1er août 2020 et le 31 juillet 2024. Engagement en qualité d’ouvrier CFC dans l’entreprise dès août 2024. Ecole de recrue dès janvier 2025. En janvier 2025, l’ouvrier se trouve alors dans sa 5ème année de service. La durée durant laquelle un salaire devra continuer à lui être versé est ici de 3 mois et non de 3 semaines. 

Assurance obligatoire et droit au salaire – Art. 324b CO

Lorsqu’une disposition légale prévoit que le travailleur est assuré obligatoirement contre les conséquences économiques d’un empêchement non fautif de travailler dû à des raisons inhérentes à sa personne, l’employeur ne doit pas le salaire lorsque les prestations d’assurances dues pour le temps limité (durée de l’échelle bernoise) couvrent les 4/5ème au moins du salaire propre à cette période (art. 324b al. 1 CO).

Si les prestations versées par l’assurance sont inférieures à 80%, l’employeur est alors tenu de payer la différence entre le montant versé par l’assurance et le 80% (4/5ème) du salaire (art. 324b al. 2 CO). Enfin, si les prestations de l’assurance ne sont versées qu’après un certain délai (délai d’attente), l’employeur est tenu de verser le 80% du salaire durant ce même délai d’attente (art. 324b al. 3 CO).

Par assuré obligatoirement, la loi vise les assurances suivantes :

  • la Loi fédérale sur l’assurance accident obligatoire (LAA)
  • la Loi fédérale sur l’assurance perte de gain (LAPG)
  • la Loi fédérale sur l’assurance militaire (LAM)
  • La Loi fédérale sur l’assurance invalidité (LAI).

Aussi, les personnes mobilisées pour servir dans l’armée, dans la protection civile ou dans le service civil ont droit à des allocations pour perte de gain durant la période de leur service. Ces allocations reposent sur les dispositions de la LAPG, laquelle est une assurance obligatoire au sens de ce qui précède.

Les APG sont des allocations octroyant une juste compensation de la perte de gain en cas de service militaire ou service civil. Toute personne qui sert dans l’armée suisse, la protection civile, la Croix-Rouge, le service civil ou qui participe à des cours fédéraux ou cantonaux pour cadres de Jeunesse+Sport ou à des cours de moniteur pour jeunes tireurs a droit à des APG. Les personnes appelées à servir reçoivent un formulaire sur leur lieu de service (demande d’APG), qu’il leur appartient de remettre à leur employeur. Pour les personnes exerçant une activité lucrative, l’allocation est généralement versée à l’employeur, qui la rétrocède ensuite à son employé-e.

Allocations pour personne en service sans enfant:

Ainsi, lorsque les allocations fédérales pour perte de gain versées par la Caisse de compensation en application de la LAPG couvrent moins du 80% du salaire obtenu avant le service, l’employeur est ainsi tenu de verser au travailleur, durant la période limitée définie à l’aide de l’échelle de Berne, la différence entre le montant des allocations perçues et le 80% de son salaire.

 Ex : Un employé de bureau (contrat hors-CCT) non marié et sans enfant, dans sa 3ème année de service, est appelé à servir durant 4 mois à l’armée (école de recrue). Les personnes accomplissant l’école de recrues reçoivent en principe CHF 69.- par jour. Les recrues avec enfants bénéficient d’une exception et perçoivent la même allocation que les personnes accomplissant un cours de répétition (soit 80% du revenu moyen avant service). En tant que recrue sans enfant, cet employé perçoit dans notre exemple une allocation de base de CHF 69.- par jour de service. Le montant des allocations qui lui sont versées n’atteint pas le 80% de son salaire. Son employeur est ici tenu de compléter le montant perçu de l’APG fédérale à hauteur du 80% du salaire de l’intéressé, ce durant les deux premiers mois de son absence. Au-delà, l’employé n’a plus d’obligation de compléter le salaire de l’employé.

Lorsque l’allocation pour perte de gain versée couvre, a contrario, le 80% du salaire obtenu avant le service, l’employeur est libéré du paiement du salaire.

Ex : Un employé de bureau (contrat hors-CCT), sans enfant, est appelé pour servir durant un cours de répétition de 3 semaines. Les allocations fédérales servies par la Caisse de compensation couvriront le 80% du revenu moyen acquis avant le service (CHF 69.- au minimum et CHF 220.- au maximum par jour en fonction de l’ampleur du salaire réalisé) pendant toute la durée du service. Le montant ainsi perçu couvrant ici manifestement les 4/5ème du salaire, l’employeur n’a pas à compléter.

 

Conventions collectives de travail de la construction et régime plus favorable

Les conventions collectives de travail du domaine de la construction prévoient quant à elles généralement des obligations plus large à charge de l’employeur en matière de droit au salaire que la règle de base énoncée supra. Lorsque l’employeur est actif dans le domaine de la construction, on veillera ainsi à vérifier quelles sont ses obligations à la lecture du texte de la CCT de branche applicable aux rapports de travail visés.

Dans le Canton de Vaud, plusieurs conventions collectives de branche ont en effet été déclarées de force obligatoire par les autorités. Les entreprises actives dans les secteurs économiques visés sont ainsi tenues d’en respecter les prescriptions conventionnelles pour leurs travailleurs d’exploitation, qu’elles en soient ou non signataires :

Convention nationale du secteur principal de la construction En Suisse (CN) : art. 40 CN

Convention collective de travail du second-œuvre romand (CCT-SOR) : art. 41 CCT-SOR

Convention collective de travail Métal-Vaud (CCT-MV) : art. 55 CCT-MV

 

💡 Les dispositions conventionnelles précitées prescrivent toutes une obligation à charge de l’employeur de compléter le revenu du travailleur pour une durée supérieure ou égale à celle dictée par l’art. 324b CO.

Exemple: Ouvrier maçon CFC dans une entreprise de construction, engagée pour une duré indéterminée, marié, dans sa 2ème année de service, effectue un service long durant plus de 22 semaines. En application de l’art. 40 CN, l’employeur est obligatoirement tenu de lui verser un salaire à 100% durant les quatre premières semaines de service. Il s’agit là d’un régime conventionnel plus favorable que la loi.

 

Caisse d’allocations familiales de la Fédération vaudoise des entrepreneurs (CAFEV) – Allocations complémentaires

Votre entreprise est coopératrice auprès de la Fédération vaudoise des entrepreneurs et cotise à ce titre aux Institutions sociales de l’Industrie Vaudoise de la Construction (CCT-IVC) ? La CAFEV vous sert alors des allocations complémentaires aux APG en cas de service obligatoire !

Dans le canton de Vaud, les entreprises coopératrices de la FVE ayant adhéré à la CCT-IVC bénéficient  d’allocations complémentaires, lesquelles viennent s’additionner aux montants perçus des APG fédérales. Les ayants-droits sont les travailleurs et les apprentis qui bénéficient d’une allocation perte de gain fédérale.Ces montants sont versés par la CAFEV à l’employeur en complément aux allocations perte de gain fédérales découlant de la LAPG. Elles contribuent ainsi à réduire significativement les montants à la charge de nos entreprises coopératrices.

Renseignez-vous!     https://www.avs66-1.ch/assures/service-militaire-ou-civil/

 

* * *

[1] Un contrat de durée déterminée (CDD) inférieure ou égale à 3 mois ne fait pas naître pareille obligation pour l’employeur. En cas de CDD de durée supérieure à 3 mois, le droit au salaire naît dès le 1er jour d’emploi. En cas de CDI avec délai de résiliation inférieur ou égal à 3 mois, un empêchement de travailler intervenant durant les 3 premiers mois de service n’ouvre pas de droit au salaire. Ce droit naît alors uniquement au premier jour du 4ème mois des rapport de travail [ATF 126 II 75, cd. 2. d].

[2] Par exemple un travailleur bloqué dans son pays en raison d’une grève des transports aériens, d’une tempête de neige, etc.

[3] Par exemple : accident automobile en fort état d’ébriété, ou en cas de violation consciente des règles de sécurité [ski hors-piste alors que fort risque d’avalanche, escalade sans être assuré, etc., ou encore lors d’une participation volontaire à des violences collectives lors d’une manifestation sportive, etc.